L’Orchestre national de France en Chine : opération séduction à la française

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L’Orchestre national de France en Chine : opération séduction à la française

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L'Orchestre national de France en concert en Chine
L'Orchestre national de France en concert en Chine
© Radio France - V.Tribot Laspière

L’Orchestre national de France est actuellement en Chine pour une tournée de sept concerts. Le chef d’orchestre Emmanuel Krivine et ses musiciens y font la démonstration de leur savoir-faire en matière de musique française.

Arrivés à Zhuhai depuis dimanche 28 octobre 2018, les musiciens de l’Orchestre national de France peuvent enfin souffler un peu. Depuis qu’ils sont partis de France, une semaine auparavant, les 90 musiciens présents n’ont pas arrêté un seul instant. Avion, bus, hôtel, avion, bus, etc. cette tournée chinoise a débuté par Chongqing, immense mégalopole située à l’ouest, de 32 millions d’habitants, considérée parfois comme la plus grande ville du monde. Ensuite direction Nanning, ville du sud, à la frontière vietnamienne, puis l’orchestre a enchaîné avec Pékin au nord-est puis est finalement arrivé à Zhuhai.

Les tournées sont fatigantes pour les organismes et certainement encore plus quand la disponibilité des salles de concerts impose un parcours en « yoyo ». « C’est assez difficile, avoue Mathilde Lebert, hautbois solo de l’orchestre. Nous faisons des journées entières de transport, jusqu’à 10 heures par jour. En plus des transports, il faut ajouter l’attente à chaque fois pour les bagages ou l’embarquement ».

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Un accueil sympathique

Malgré la fatigue, les musiciens sont ravis de leurs échanges avec le public et les institutions chinoises. « Ils ont tous été très sympathiques. L’accueil était parfait dans chaque salle de concert. Il est étonnant de constater les différences entre les villes », explique la hautboïste. Le premier concert à Chongqing semble en effet avoir marqué la majorité des musiciens. Une très belle salle, très moderne, remplie à craquer avec un public très jeune et visiblement peu habitué à écouter de la musique classique. Sonneries de téléphones, discussions à voix haute, spectateurs qui se déplacent pendant les œuvres, applaudissements timides, etc. les codes ne sont pas les mêmes et peuvent dérouter. Rien à voir avec les salles des grandes villes comme Pékin où l’on trouve un public connaisseur et habitué aux codes occidentaux des concerts. 

Ce contraste illustre bien les fortes différences que l’on retrouve sur le territoire chinois. Chacune des grandes ou moyennes villes récentes se dotent toutes de leur propre salle de concert mais il faut du temps pour que s’installe une habitude chez le public. C’est ce qui a surpris Guillaume Bidar, tout nouveau basson solo de l’orchestre, nommé en septembre dernier, et qui lui aussi participe pour la première fois à une tournée en Chine. « C’est vraiment une très belle découverte, j’essaie de profiter au maximum. C’est très différent ce que l’on connaît en France. Evidemment il y a la barrière de la langue qui est compliquée à surmonter, mais aussi tous les codes culturels qui changent beaucoup. Les salles de concert sont immenses, toutes avec une excellente acoustique jusqu’à présent. C’est vraiment la démesure. Cela donne l’impression de découvrir ce que seront les salles du futur, alors qu’elles existent déjà ! », s’enthousiasme le musicien.

Force est de constater également que lors des trois premiers concerts de la tournée, le public était sensiblement plus jeune qu’en Europe. La situation amuse Emmanuel Krivine, le chef d’orchestre et le directeur musical de l’Orchestre national de France. « Lorsque les orchestres sortent de leurs habitudes, de leur pays, de leur vie de famille, etc. cela fédère le groupe. C’est un mélange d’exotisme, de tourisme, avec la sensation de porter la bonne parole. Nous venons montrer ce qu’on sait faire à d’autres pays, à d’autres ambiances. Et c’est très intéressant de venir le faire ici en Chine. C’est un pays complexe. Il y a ce régime politique que nous connaissons mais il y a en même temps beaucoup de fantaisie. Je ne comprends pas forcément tout ce qui s’y passe mais c’est justement ce que je trouve intéressant. Cela aiguise ma curiosité ». 

Un orchestre en tournée, c'est beaucoup de transports et de logistique.
Un orchestre en tournée, c'est beaucoup de transports et de logistique.
© Radio France - V.Tribot Laspière

Emmanuel Pahud, superstar

A Pékin, samedi 27 octobre, l’orchestre a poursuivi sa tournée dans l’impressionnante salle de concert du National Center for the Performing Arts. Un gigantesque dôme d’acier inauguré en 2007 et conçu par l’architecte français Paul Andreu. Disparu le 11 octobre dernier, Emmanuel Krivine a justement dédié le concert à sa mémoire, comme un symbole de l’amitié franco-chinoise. 

Le dôme du National Center for the Performing Arts de Pékin, à deux pas de la place Tian'anmen.
Le dôme du National Center for the Performing Arts de Pékin, à deux pas de la place Tian'anmen.
© Radio France - V.Tribot Laspière

Emmanuel Pahud est également un symbole de cette amitié à lui tout seul. Le flûtiste solo de l’orchestre philharmonique de Berlin est une véritable star en Chine. Autographes, séances photo avec des fans, Emmanuel Pahud est sollicité de toutes parts. Il était invité par l’Orchestre national de France pour jouer le flamboyant concerto de Katchatourian, arrangé pour flûte par Jean-Pierre Rampal. 

Depuis son premier concert en Chine en 2006, il a pu constater l’incroyable développement du pays. « Le monde a beaucoup évolué ces dernières années. En Europe, un petit peu, en Chine, énormément ! En Asie, le public a une approche beaucoup plus iconique des artistes. La musique classique occidentale est quelque chose de relativement nouveau ici et le public l’aborde d’une façon nouvelle. Et c’est également nouveau pour nous, artistes occidentaux ». 

A la fin de son concerto, Emmanuel Pahud est vivement remercié par les hurlements du public. Il glisse quelques mots en mandarin pour remercier la salle, tonnerre d’applaudissements. « Cela fait très plaisir de voir un public capable de s’enthousiasmer à ce point. C’est la reconnaissance que la culture que nous représentons et défendons est en pleine expansion en Chine et en Asie. Alors qu’on doit parfois la défendre bec et ongle chez nous. C’est paradoxal. C’est assez révélateur de l’ouverture culturelle et idéologique qu’on peut observer en Chine ces dernières années », analyse Emmanuel Pahud. 

Le choix de programmer un concerto pour flûte n’est d’ailleurs pas anodin. En Europe, les concertos pour violon, violoncelle et piano sont systématiquement choisis pour les soirées de prestige alors que les chinois sont passionnés par la flûte traversière, et par le savoir-faire des musiciens français en la matière si justement reconnu dans le monde entier. 

Le programme défendu par l’Orchestre national de France a d’ailleurs été conçu pour taper dans l’œil des chinois qui sont toujours épris de culture française : La Mer de Claude Debussy, Une barque sur l’océan et Pavane pour infante défunte de Maurice Ravel, la Symphonie en ré de César Franck ou des bis comme la Barcarolle de Jacques Offenbach ou l’ouverture de Carmen de Georges Bizet.