L’Orchestre National de Lille en tournée au Royaume-Uni à l'heure du Brexit
Par Sofia AnastasioL’Orchestre National de Lille est en tournée depuis mardi 28 janvier en Grande-Bretagne pour 5 concerts chez nos voisins qui quittent l’Union européenne le 31 janvier, à minuit. Une tournée à grande portée symbolique. Reportage de Cécile Bidault.
Au Cadogan Hall de Londres, ce mercredi 29 janvier, La Valse de Ravel achève un concert de l’ Orchestre National de Lille, très axé sur la musique française dont les britanniques raffolent. Au programme Ravel donc, Debussy, mais aussi Beethoven dont on célèbre le 250e anniversaire de la naissance, avec le Concerto pour piano n°4 interprété par le jeune américain Eric Lu. Juste avant le rappel, Alexandre Bloch, directeur musical de l'orchestre, tient à prendre la parole pour lancer un messager aux Londoniens : « Malgré le Brexit nous voulons rester connectés avec vous ». « C’est une tournée très spéciale pour nous. Nous sommes et nous resterons voisins », déclare le directeur musical à la salle, sous les applaudissements.
« Quand on va repartir de ce pays, on va passer la douane, il y aura quelque chose de symbolique »
C’est ici, à Londres, que la carrière d’Alexandre Bloch a véritablement été lancée, lorsqu’il a remporté le concours de direction Donatella Flick. Ancien chef assistant du London Symphony Orchestra, il dirige encore régulièrement en Grande-Bretagne, et jouer ici en plein Brexit a du sens pour lui : « Quand on va repartir de ce pays, on va passer la douane et il y aura quelque chose de symbolique. Ce ne sera pas un rideau de fer à Saint Pancras, bien sûr, mais symboliquement ce sera différent. » Il ajoute que malgré tout, la musique, qui est un « langage international, toujours là pour rassembler, unifier » sera « la plus importante vendredi soir ».
Vendredi 31 janvier, c’est à Sheffield, en Angleterre, que les musiciens de l’ONL vivront ce Brexit, avant de partir pour la dernière date de la tournée, à Leeds. Paul Mayes, altiste depuis 40 ans dans l’orchestre lillois, est franco-britannique. D’origine écossaise, il est farouchement opposé au Brexit, moins pour des raisons économiques que pour « l'esprit universel beethovenien. » « Avoir un grand état européen pour moi c’était un idéal, peut-être pas très réaliste », déclare-t-il avant d'ajouter qu'il aurait bien aimé jouer L’Hymne européen en bis, « mais il ne faut pas trop faire de gestes politiques, c’est un concert de musique. »
Diplomatie culturelle et économique
Cela faisait 20 ans que l’Orchestre national de Lille n’avait pas joué en Angleterre, il a donc emmené dans ses bagages toute une délégation économique et politique pour dire aux Anglais que la région des Hauts-de-France était la porte d’entrée idéale pour l’Europe après ce Brexit. François Bou, directeur général de l’ONL, a organisé cette tournée après les résultats du référendum en Grande-Bretagne : « P_our moi les tournées c’est pas_ "pour le plaisir de tourner", ça coûte cher, et ça demande beaucoup d’énergie. Si on fait des tournées il faut que ça serve non seulement nos buts artistiques, mais aussi, notre territoire, et faire de la diplomatie culturelle et économique ».
L’Orchestre national de Lille est le seul orchestre français à tourner en Grande-Bretagne cette année.
Un reportage de Cécile Bidault.