L'Orchestre philharmonique de Radio France dans les camps de réfugiés en Grèce
Par Victor Tribot LaspièreEn parallèle d'une série de concerts à Athènes, des musiciens de l'Orchestre philharmonique de Radio France sont allés à la rencontre des habitants du camp de réfugiés de Skaramagkas. Ils ont répondu à l'appel du programme pédagogique et musical d'El Sistema Greece.
Les 7 et 8 mars derniers, l'Orchestre philharmonique de Radio France se trouvait à Athènes pour deux concerts au Megaron, principale salle de concert de la capitale grecque. L'orchestre, dirigé par Mikko Franck était accompagné de la pianiste Khatia Buniatishvili dans le Concerto n°2 de Rachmaninov, et le lendemain par George-Emmanuel Lazaridis dans le Concerto pour la main gauche de Ravel.
Les musiciens ont reçu une visite un peu particulière lors des répétitions : une cinquantaine d'enfants des camps de réfugiés de Skaramagkas et de Schisto. Des Syriens, des Afghans, des Irakiens et des Iraniens venus découvrir les coulisses d'un concert au Megaron grâce à l'initiative d'El Sistema Greece. L'association, créée sur le modèle d'El Sistema au Venezuela, s'est donnée pour mission d'apporter la musique et la culture à des enfants aux parcours difficiles. Un moyen de les intégrer grâce à la pratique collective de la musique.
La déclinaison grecque de l'association est née de l'action d'Anis Barnat, un français qui a notamment travaillé pour la Maîtrise de Radio France avant de rejoindre l'agence d'artistes londonienne Askonas Holt. C'est en toute logique que le Français a proposé aux musiciens du Philharmonique de donner un peu de leur temps pour aller à la rencontre des enfants et des parents des camps de réfugiés.
Les musiciens volontaires se sont regroupés en trois quintettes pour donner trois petits concerts différents dans le camp de Skaramagkas. Parmi eux, Rachel Givelet, violoniste tuttiste de Philhar depuis cinq ans. « A l'origine, l'idée d'Anis Barnat était de faire jouer l'orchestre au complet dans le camp. Problème, il n'y avait pas la place suffisante pour tous nous accueillir ». La musicienne, habituée de ce type d'actions à vocation sociale, s'est tout de suite portée volontaire. Elle donne régulièrement des concerts dans les hôpitaux. « Cela donne réellement du sens à mon métier. C'est la base de la musique, la partager et procurer du plaisir » explique Rachel Givelet.
Elle reconnaît avoir été assez surprise de découvrir à quoi ressemblait le camp situé dans le port d'Athènes. « Je m'attendais à me retrouver dans un bidon-ville. Mais cela semble plutôt bien organisé et propre ». Les quelques 3 000 réfugiés sont logés dans des préfabriqués et sont libres de leurs mouvements. « L'une des premières choses que j'ai pensé c'est : pourquoi en France ne semblons-nous pas être capables d'organiser les choses aussi bien ? » avoue la violoniste.
Ressenti similaire pour Stéphane Suchanek, cor anglais solo de l'Orchestre philharmonique de Radio France. « C'est très différent de ce qu'on nous montre parfois à la télévision. Ce sont des gens qui sont libres d'aller faire leurs courses en ville, etc. Mais ce sont aussi des gens que l'on sent très fatigués par les épreuves traversées. Ce type de camp n'est qu'une solution transitoire. Je crains qu'il n'y ait pas beaucoup d'espoir de voir leur condition s'améliorer » analyse le musicien.
Avec d'autres amis musiciens, Stéphane Suchanek avait déjà envisagé de partir jouer de la musique dans les camps grecs, par leurs propres moyens. Mais ils n'ont pas réussi à accorder leurs emplois du temps avant que ne soit engagée l'action avec El Sistema Greece. Lui aussi est habitué de ce type d'actions à vocation sociale. Il reconnaît que les conditions en Grèce étaient particulières. « Nous avons été accueillis par quelques enfants qui jouent de la musique grâce à El Sistema_. Très rapidement, je me suis rendu compte que le tour de force résidait dans le fait qu'ils puissent rester concentrés plus de deux minutes pour chanter ou jouer. Ce sont des enfants qui ont vécu des choses très compliquées et qui ont beaucoup de mal à rester concentrés. Ce qui est formidable, c'est que ce type d'action comme_ El Sistema peut justement les aider à se structurer » raconte Stéphane Suchanek_. _
Rachel Givelet renchérit en estimant que ce type de moment permet aussi de leur apporter une « bulle de joie, un instant de fête qui leur sort de leur quotidien. J'ai senti les enfants vraiment heureux et excités de venir assister à la répétition ou que nous venions jouer de la musique pour eux. C'est un bon moyen de les accueillir, des les intégrer à notre société occidentale » explique-t-elle. Si les enfants et les adultes ne parlent ni français, ni anglais, les rencontres n'en sont pas moins fortes. « Ce sont des sourires, des câlins d'enfants. J'ai vécu des moments très intenses ».
Stéphane Suchanek a également ressenti les moments d'apaisement que représentaient ce type de rencontres. « Quelques jours avant notre visite, il y a eu des tensions entre différentes communautés présentes dans le camp. Lorsque nous avons joué, tout le monde était rassemblé autour de nous. Ça permet de souder un peu plus les gens » précise le musicien du Philharmonique.
Les deux musiciens de l'orchestre ont tenu à souligner l'engagement dont à fait preuve Mikko Franck, le directeur musical de l'ensemble. Le chef finlandais, récemment nommé ambassadeur auprès de l'Unicef, est resté un jour de plus sur place pour diriger l'orchestre formé par des enfants du camp de Skaramagkas.