La musique avant la naissance : qu'entend le bébé ?

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La musique avant la naissance : qu'entend le bébé ?

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La musique avant la naissance : qu'entend le bébé ?
La musique avant la naissance : qu'entend le bébé ?
© Getty - athima tongloom

Faire écouter de la musique à son bébé pendant la grossesse : est-ce une bonne idée ? Peut-elle lui nuire ou au contraire être bénéfique pour son développement in utéro ? Et surtout, qu'en entend-il ou elle avant de naître ? Réponse avec les chercheurs en périnatalité et les neuroscientifiques.

L’image ne dure que quelques poignées de secondes, mais elle a de quoi surprendre : une vidéo montre un bébé in utéro, les yeux fermés, blotti dans la pénombre de sa coquille sécurisante. On entend, comme lui d’ailleurs, le premier mouvement de La petite musique de nuit de Mozart. Comment réagit-il ? Il chante ! On le voit très clairement faire les mouvements de bouche et de la langue comme s’il faisait des vocalises.

A l'origine de cette séquence filmée, une étude de 2014 de l’Institut Marques à Barcelone sur l’influence de la musique sur le développement embryonnaire. Elle est étonnante à plusieurs égards : tout d’abord, c’est la première fois que l’on voit un fœtus réagir à la musique par les mouvements non spécifiques, et la première fois aussi que l’on lui fait écouter de la musique par la voie vaginale (IVM), grâce à un dispositif développé par l'Institut Marques pour les besoins de cette étude, baptisé babyPod .

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« Les recherches précédentes, avec les enceintes posées sur l’abdomen de la maman, n’ont pas provoqué de réaction significative du bébé, » explique Dr. Marisa López-Teijón, une des autrices de l’étude. Les chercheurs ont par conséquent mis au point un dispositif intra-vaginal relié à une enceinte externe, une façon de faire entendre au bébé le son tel que nous l'entendons, suffisamment fort, sans distorsions ni déformations. 24 fœtus de moins de 16 semaines et 82 fœtus de plus de 16 semaines ont participé à l’étude, et ont été exposés de façon aléatoire à l’IVM par le BabbyPod, à une vibration intravaginale qui s'apparente au bruit, et à la diffusion de la musique par des enceintes posées sur l’abdomen.

Et la conclusion est sans appel. Alors que la diffusion de la musique par la voie abdominale ou du bruit par la voie vaginale n'ont provoqué aucune réaction du fœtus quel que soit son âge de gestation, les chercheurs ont observé « des mouvements de la bouche et de la langue chez les fœtus à partir de la 16e semaine de la gestation, dont la fréquence augmentait proportionnellement à l’âge du fœtus. » Or il s'agit de mouvements très rares pour un fœtus au repos, très clairement liés à l'audition, précise la chercheuse. « Avec cette étude nous démontrons, en plus, que la seule manière pour que le fœtus entende la musique telle que nous l’écoutons, c’est en l’émettant depuis le vagin de la mère. Si nous émettons de la musique depuis l’extérieur, à travers l’abdomen, le fœtus ne la perçoit pas de la même façon. »

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Qu'entend le bébé in utéro ?

L’oreille interne du fœtus complète sa formation pendant la 16ème semaine de gestation. Cette étude est la première à démontrer que le fœtus commence à entendre les sons au même moment de son développement, explique Marisa  López-Teijón. Mais qu'entend-il exactement ? « Dans l'utérus, le fœtus entend des sons de l’intérieur du corps de sa maman : les battements du cœur, la respiration et les bruits intestinaux. Il perçoit aussi les sons que fait sa mère, lorsqu'elle marche ou qu'elle parle, en plus de percevoir les sons de l'extérieur », précise la chercheuse.

Cependant, le fœtus est dans une ambiance plus ou moins insonorisée : les organes maternelles et la paroi abdominale l'isolent des sons. L'intensité sonore qui parvient jusqu'au fœtus est d'environ 30dB, ce qui équivaut au chuchotement, conclut la chercheuse. « C'est comme si le fœtus était entouré de coussins, ou lorsque l'on entend parler dans la chambre d'à coté, et même si on entend, avec la distorsion, on ne discerne pas bien ce qui est dit. De plus, étant donné que la plupart des sons sont très répétitifs, il s’habitue et ne réagit pas face à ceux-ci. Ils ne l'empêchent pas de dormir. Ainsi, nous pouvons dire que l’ambiance sonore de l’utérus est comme le bruit de fond d’une forêt. »

Mais alors, quid de la musique ? En plaçant un casque sur l'abdomen de la femme enceinte, les chercheurs ont diffusé de la musique d'une intensité moyenne d'environ 100 dB, ce qui correspond au niveau sonore de la sirène d’une ambulance, de la musique dans une discothèque ou le bruit d'un train. « Pendant cette partie de l’étude on n’a pas observé de changements des expressions faciales des fœtus,» répond la chercheuse.

Toutes les musiques se valent-elles ?

Si dans la première expérience, les bébés ont écouté l'agréable Partita en la mineur pour flûte BWV 1013 de Bach*,* dans les étapes suivantes, les chercheurs ont testé une playlist variée, comprenant tous les genres musicaux, en collaboration avec des musicologues.

Selon leurs conclusions, l'esthétique qui l'emporte, c'est la musique classique, avec en tête du palmarès La petite musique de nuit de Mozart. Y figurent également, la Partita de Bach, la Sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart K 448 et Pierre et le loup de Prokofiev. Les musiques traditionnelles, telles que les tambours africains ou le cante jondo espagnol, ont également eu des résultats probants. Le genre le moins apprécié par les bébés était la musique pop ou rock, avec comme seules exceptions, Bohemian Rhapsody de Queen et Y.M.C.A de Village People. Comment l'expliquer ?

« Nous ne savons pas pourquoi différents types de musique provoquent plus ou moins d'effet sur le fœtus, Nous avons observé plus de 1000 patients, mais nous ne savons pas si c'est le rythme ou la mélodie qui stimulent davantage le bébé. Il y a des fragments où il y a davantage de réponses, par exemple pour le cante jondo, nous avons eu 100% de réponses. Il s'agit peut être des musiques qui sont le plus écoutées à travers les générations », commente Marisa Dr. López-Teijón.

Pourquoi la musique fait-elle chanter le foetus ?

La communication se prépare in utero. La musique incite une réponse de mouvements de vocalisation puisqu’elle active des circuits cérébraux de stimulation du langage et de la communication, explique Marisa López-Teijón. « Nous savons que les bébés commencent à vocaliser spontanément en réponse aux sons qu’ils écoutent et commencent à explorer le registre de leur voix. C’est la phase avant la parole. Face aux bruits ou sons dissonants, les circuits des neurones ne s’activent pas. Chanter ou parler à un enfant stimule la parole, stimule les circuits cérébraux impliqués dans la communication. En entendant la musique, le fœtus répond avec des mouvements de vocalisation, un pas préalable à chanter et à parler. »

La musique pourrait être un des stimuli déclencheurs de comportements d'attachement auxquels le bébé est programmé, et qui sont essentiels pour sa survie, analyse Emmanuel Bigand, professeur de psychologie cognitive à l'Université de Dijon.

« Ce que cherche le bébé, ce sont des signes d'humanité. On met au monde des bébés très fragiles, qui, même à terme, devraient normalement rester trois mois de plus dans le ventre de la maman. La conséquence de cela, c'est que la prise en charge de ces bébés est essentielle pour la survie de l'espèce humaine. Et comme on n'a pas droit à l'erreur, on a mis au point des stratégies de prise en charge des nouveau-nés qui sont partagées par toutes les cultures, et parmi ces stratégies, la musique joue un rôle prépondérant, explique le chercheur. Ce qui explique la présence des berceuses et des comptines dans toutes les cultures du monde qui ont des caractéristiques communes :

«On pense que la musique joue un rôle dans la prise en charge émotionnelle du bébé. Car il ne s'agit pas simplement de lui donner à manger et à boire, de le protéger des intempéries et des bêtes féroces pour qu'il grandisse. Il faut que toute son énergie développementale soit investie de façon positive dans son développement. Si le bébé est confronté à des situations de stress, à de l'angoisse, à des situations qu'il ne peut pas gérer parce qu'il a un cerveau en construction, tout cela va contrarier le développement du cerveau et du corps de l'enfant. Donc, toutes les stratégies psychologiques qui contribuent à améliorer le développement du bébé ont une valeur adaptative. Et la régulation émotionnelle, c'est fondamental. Parce que, pour que le cerveau du bébé se construise bien, il faut que le bébé vive dans un environnement aussi tranquille, paisible que ce soit. Et donc, la musique contribue à la régulation émotionnelle, et c'est sa fonction biologique au sens révolutionnaire du terme, » conclut le chercheur.