Elle a été tour à tour café-concert, théâtre de boulevard, cinéma, multiplexe pornographique et elle a même failli devenir le siège d'une église brésilienne avant d'être fermée en 1999. La Scala de Paris rouvre ses portes le 11 septembre 2018 pour devenir un lieu artistique transdisciplinaire.
La Scala de Paris va renaître de ses cendres le 11 septembre 2018, après presque 20 ans de fermeture. « Ça ne m'intéresse pas de faire un théâtre de plus », explique à l'AFP Frédérc Biessy, son directeur général, qui raconte être « tombé amoureux » du 13 boulevard de Strasbourg dans le 10e arrondissement de Paris.
Rassemblant toutes les disciplines, des arts plastiques à la musique contemporaine, le théâtre sera doté de 220 panneaux acoustiques variables, un gradin rétractable et une jauge modulable de 550 places pouvant aller jusqu'à 750. L'architecture d'intérieur est signée Richard Peduzzi, collaborateur fétiche de Patrice Chéreau, et l'acoustique de Philippe Manoury. Rodolphe Bruneau-Boulmier, compositeur et producteur de l’émission En Pistes ! sur France Musique fait également partie de l’équipe en tant que conseiller musique.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom, l’établissement n’est pas une franchise de la Scala de Milan. Fondé en 1873 par une veuve fortunée, il fut d’abord un music-hall, avant de connaître plusieurs vies. « Ce qui est prodigieux dans l'histoire de ce lieu c'est qu'à chaque fois, quelqu'un a détruit intégralement ce qu'il y avait avant et inventé quelque chose qui était à la pointe de l'innovation », explique à l'AFP Frédéric Biessy.
Du music-hall au théâtre en passant par le cinéma pornographique
A la fin du 19e siècle, la Scala était le lieu où « il fallait passer si on voulait être consacré super vedette » à Paris, explique Olivier Schmitt, conseiller artistique du projet. Mistinguett, Mayol, Fréhel ou Yvette Guilbert s'y sont notamment produits.
« Avec la Première guerre mondiale vint la première vague des destructions et reconversions de théâtres parisiens et la Scala devient en 1915 un théâtre de boulevard où sont repris tous les succès de Feydeau », poursuit Olivier Schmitt qui va publier un livre sur le sujet en septembre sur le sujet. Avec l'apparition du cinéma parlant dans les années 30, le théâtre se reconvertit et diffuse des films français et américains en exclusivité.
Vers la fin des années 1960, alors que le cœur économique de Paris se déplace vers l'ouest, le quartier d'affaires périclite. Une décennie plus tard, la Scala devient le premier multiplexe pornographique avec cinq salles, 800 fauteuils, avec succès jusqu'à l'arrivée de la VHS. L’endroit attire ensuite prostitution et drogue.
En 1999, un dernier acquéreur fait surface : la plus grande église baptiste brésilienne, l'Eglise universelle du royaume de Dieu. Cette dernière jette l'éponge lorsque la Scala est finalement classée lieu de culture.
L'endroit restera fermé jusqu'à son rachat en 2016 par le couple Frédéric et Mélanie Biessy, à la tête d'un fonds d'investissement lucratif de 3,8 millions d'euros. Malgré un budget d'investissement de 19 millions d'euros, le couple n'a jamais hésité. « C'est une prise de risque énorme mais on risque aussi d'avoir un succès fou », déclare Frédéric Biessy.
Le metteur en scène Thomas Jolly, Le Balcon, Bertrand Chamayou, Les Cris de Paris, Robert Negro et Emile Parisien, le jongleur et acrobate Yoann Bourgeois la dramaturge Yasmina Reza figurent parmi les dizaines d'artistes au rendez-vous pour cette première saison qui débutera le 11 septembre 2018.
« Ici, les artistes ont façonné eux-mêmes le lieu », déclare Frédéric Biessy, qui envisage toutefois son projet comme « éphémère, caméléon ». « Ça ne sera pas la Scala si dans 50 ans, on ne casse pas tout pour refaire autre chose ».
avec AFP