Louise Jallu, bandonéoniste, a rencontré son instrument à cinq ans, au Conservatoire de Gennevilliers. Elle nous présente le bandonéon, aérophone imprégné de traditions germano-argentines qui n'a rien à envier à l'accodéon.
Contrairement à la langue humaine où en général, un mot ne veut dire qu’une chose, grâce au bandonéon et à la musique, on peut exprimer tout un tas de choses. C’est un véritable instrument de partage qui a sa propre langue. Louise Jallu
France Musique : Pourquoi avoir choisi le bandonéon ?
Petite, j’habitais à Gennevilliers, où le conservatoire local a créé les premières classes de bandonéon d'Europe, en 1988. Les gens venait de toutes parts jusqu'à Gennevilliers pour apprendre le bandonéon ! Quand j’ai vu cet instrument, j’ai été fascinée. Fascinée par son timbre, son son magnifique et extraordinaire... j’ai voulu en savoir plus. J’ai commencé très tôt, à l'âge de cinq ans, avec ma sœur qui elle-même l’étudiait.
France Musique : D'où vient le bandonéon ? Quelle est son histoire ?
Comme il est très souvent associé au style tango, on imagine qu’il est né en Argentine. Pas du tout : il est né en Allemagne, au courant du XIXe siècle où à l'époque, il était utilisé pour remplacer l’orgue dans les églises ou pour jouer des airs folkloriques. Ce n'est qu'ensuite que grâce aux mouvements de populations, il a été importé en Argentine où il est devenu l’instrument emblématique du tango.
France Musique : Comment c'est fait un bandonéon ?
C’est un instrument à vent et à soufflet, de la famille des aérophones. De part et d’autre du soufflet, il y a les claviers, un pour chaque main. Sur ces derniers, les touches sont faites ou décorées de nacre qu’on trouve dans les coquillages. Le soufflet, lui, est principalement fait de carton et possède des renforts en bois qui servaient, à l’époque, à suspendre l’instrument autour du cou.
France Musique : En quoi le bandonéon est-il différent de l'accordéon ?
Tout d'abord et bien qu'ils se ressemblent, les deux instruments ont des timbres très différents. Ensuite, la technique : au bandonéon, on ouvre l'instrument des deux côtés, alors qu'à l'accordéon, le geste ne s'effectue qu'à la main gauche. Une autre différence notable se situe au niveau des claviers : sur ceux du bandonéon, on y décèle une logique circulaire, plutôt que linéaire. Cette dernière permet notamment de jouer des intervalles qu'on ne pourrait pas jouer sur d'autres instruments à clavier. Enfin, les répertoires : le bandonéon et l'accordéon ont tout deux été développés dans des répertoires traditionnels, mais différents. Le bandonéon a essentiellement été développé au sein de la culture populaire argentine, donc dans le tango. Malgré tout, il a un répertoire très vaste : on peut jouer des transcriptions de musique classique, populaire, baroque et même de la musique contemporaine.
France Musique : Comment fonctionne-t-il ?
Lorsque j'appuie sur une touche, une soupape se soulève à l'intérieur de l'instrument. Elle laisse passer de l'air à travers une fente dans laquelle se trouve une lame métallique. L'air fait vibrer cette lame, ce qui produit un son. Plus la lame est longue, plus le son est grave et inversement. Autre caractéristique du bandonéon : lorsque que j’actionne le soufflet dans l'autre sens, une même touche produit un son différent. C'est un instrument dit "bi-sonore".
France Musique : Quelle est sa tessiture ?
La tessiture du bandonéon va du DO grave, qui correspond au DO du violoncelle, au SI à la main droite, qui est l’avant-dernier SI du piano. Le saviez-vous ? Cela qui correspond à l'intervalle que possédait Bach à l’écriture du « Clavier bien tempéré » !
France Musique : Pourquoi faut-il choisir le bandonéon ?
Je dirai à la personne qui veut commencer l'apprentissage de cet instrument qu’il n’hésite pas une seule seconde. Le bandonéon nous surprend et nous surprendra toujours. Il a des possibilités inouïes que l'on découvre de jour en jour et ce, durant toute une vie de musicien.