Un conservateur du Musée de la musique à Paris et un cryptographe ont déchiffré les codes utilisés par les luthiers de l’atelier « Gand et Bernardel » pour dissimuler le véritable prix des violons.
Au XIXe siècle, l’atelier de lutherie Gand et Bernardel était une véritable institution. Né de l’association en 1866 de deux grandes familles de luthiers, les Gand et les Bernardel, il était l’un des fournisseurs de violons les plus importants de la capitale, et vendait notamment des Stradivarius et des Guarneri.
Les archives de l’enseigne ont été conservées au Musée de la musique, à Paris. En étudiant les registres de l'établissement, Jean-Philippe Echard, conservateur au Musée de la musique, et Pierrick Gaudry, cryptographe au laboratoire LORIA, ont découvert le stratagème utilisé par les luthiers pour mener à bien leurs négociations. Afin de dissimuler le véritable prix des instruments, ils cryptaient certains montants et remplaçaient les chiffres par les lettres du mot « Harmonieux », le -H- correspondant au 1, le -A- au 2, le -R- au 3 … Impossible ainsi pour le client de connaître le prix d’achat et de réserve du violon.
Au fil des années, ce système est resté. Plus de 2 500 transactions sont recensées dans les registres de l’atelier, toutes prêtes à être décodées. La Cité de la musique cite l'exemple de la vente du Tua, Stradivarius fabriqué en 1708 qui est présent dans la collection du Musée. Acquis par Teresa Tua chez Gand et Bernadel le 29 décembre 1885 pour un montant de 8 000 francs, le déchiffrage du registre a permis de découvrir que le prix affiché était de 10 000 francs, alors que les luthiers l’avaient acheté pour 5 500 francs et avaient fixé un prix plancher (de réserve) de 8 000 francs.
Une fois appliqué à tout le registre, la Cité de la Musique explique que ce déchiffrage « permettra d’avoir une image précisément définie du marché de la lutherie au XIXe siècle, et en particulier de distinguer l’évolution des cotes de tel ou tel luthier ».