Si l’opéra n’est pas réputé pour sa mise en valeur des idées féministes, quelques uns de ses personnages font heureusement exception !
En 1979, l’essai publié par la philosophe Catherine Clément, L’Opéra ou la défaite des femmes, fait l’effet d’un détonateur : chanteuses, chefs d’orchestre et metteurs en scène ouvrent le débat sur la représentation de la femme à l’opéra…
Car il est bien rare que les personnages féminins du théâtre lyrique mènent un combat en faveur de l’égalité des sexes... Si elle s’oppose à l’autorité masculine, la femme d’opéra est une traître. Si l’amante jalouse ou délaissée ne met pas fin à ses jours, c’est parce qu’elle finit mariée.
Une mère ne se montre pas douce et toute bienveillante ? C’est donc qu’elle est hystérique ! Un pot-pourri de caricatures, donc, à retrouver et à analyser avec Pauline Lambert, dans sa chronique Éclats de voix.
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Les oeuvres lyriques sont écrites et composées dans leur immense majorité par des hommes, tandis que « les femmes, sur la scène d’opéra chantent, immuablement, leur éternelle défaite », pour reprendre les mots de la philosophe Catherine Clément. Triste panorama, donc, pour le 'Deuxième Sexe'.
Heureusement, il existe des exceptions pour confirmer la règle. Et pas des moindres ! Voici le portrait de six personnages féminins échappant à la caricature, le temps de quelques airs au moins…
L’impératrice Octavie face au patriarcat
Venise, 1642, débuts de la grande histoire de l’opéra. Les personnages féminins des oeuvres lyriques de Claudio Monteverdi sont encore loin des stéréotypes décrits en introduction…
En témoigne son dernier chef-d’oeuvre : Le Couronnement de Poppée, qu’il destine à un public large et populaire. Il y met en scène et en musique le triomphe de l’ambitieuse Poppée, le courage de la nourrice Drusilla, et la plainte puissante de l’impératrice Octavie.
Octavie, épouse trompée et répudiée, dont le chant n’exprime pas plus de soumission que de résiliation. Au contraire, son premier air sonne comme un avertissement :
« Ô misérable sexe des femmes ! Si le Ciel et la Nature nous font naître libres, le mariage fait de nous des esclaves. Lorsque nous concevons un enfant mâle, ce sont les membres mêmes de notre tyran que nous formons. »
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Despina : haut les cœurs jeunes femmes !
En 1790, Wolfgang Amadeus Mozart compose Così fan tutte, que l’on peut traduire par Comme elles le font toutes. Un titre qui annonce une description peu flatteuse du caractère féminin…
Pourtant il se cache dans cet opéra une belle surprise : Despina, la servante malicieuse, incrédule et franchement indépendante. En atteste ainsi son premier air :
« De la part des hommes, des soldats, vous espérez de la fidélité ? Qu’on ne vous entende pas, de grâce ! »
« Payons, ô femmes, de la même monnaie cette race maléfique et impertinente ! Aimons par commodité, par vanité ! », chante-t-elle à ses patronnes. Così fan tutte - Comme elles le font toutes, vraiment ? Pourquoi pas Così fan tutti - Comme ils le font tous ?
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Norina : nul besoin de chevalier servant !
Dans Don Pasquale, opéra au ton enjoué de Gaetano Donizetti, le personnage de la jeune et belle Norina entre sur scène en lisant la belle histoire d’un chevalier servant, avant de… s’esclaffer ! La galanterie et l’amour épique ? Très peu pour elle.
« Je sais moi aussi la vertu magique d’un regard accordé au bon moment. »
Pendant que son amant Ernesto se résigne et enchaîne les airs de lamentation, Norina agit. Lorsqu’elle rencontre le vieux Don Pasquale, elle se moque de lui et lui fait croire que le ménage et la cuisine sont tout ce qu’elle aime faire dans la vie !
Micaëla, pas plus fragile que la célèbre Carmen…
Quand on pense à Carmen, cette bohémienne sulfureuse de l’opéra éponyme de Georges Bizet, on se figure immédiatement une femme séductrice, indépendante, presque sauvage... Mais n’en oublie-t-on pas trop vite un autre rôle féminin, celui de Micaëla ?
Car la jeune paysanne n’est pas moins courageuse et fière que sa dangereuse rivale. Si Don José l’a laissée pour suivre Carmen, Micaëla n’abandonne rien et va seule jusque dans la montagne pour sauver celui qu’elle aime.
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"Mon dieu, que c’est bête les hommes !"
Paris, 1923 : elle a deux amants (parce que “c’est beaucoup mieux”) et vit confortablement (grâce à eux). Un personnage de femme entretenue, certes, mais bien moins crédule que les hommes qui l’entourent !
Elle est le personnage principal de L’amour masqué, opérette d’ André Messager composée sur un livret de Sacha Guitry. Nous sommes au début des Années Folles, les femmes affichent désormais un ‘look à la garçonne’ et un vent d’émancipation féminine souffle sur la société française.
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Thérèse, première féministe de la scène lyrique
C’est la référence parmi les airs d’opéra féminins et féministes… Les Mamelles de Tirésias, opéra-bouffe composé par Francis Poulenc en 1947, soit tout juste deux ans après l’obtention du droit de vote par les femmes françaises.
« Je vous apporte une pièce dont le but est de réformer les mœurs », annonce le directeur de théâtre, en ouverture de l’oeuvre. Dans la première scène, l’insoumise Thérèse déclare à son mari qu’elle est féministe et qu’elle veut devenir soldat, avocat ou ministre.
Pendant que le rustre époux répond grassement “donne-moi du lard”, elle dégrafe peu à peu son corsage et se débarrasse de ses fameuses ‘mamelles’, “oiseaux de sa faiblesse”.
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Le choix d'Emmanuelle Haïm
Pour compléter cette liste, Emmanuelle Haïm, claveciniste, chef d'orchestre et directrice de l'ensemble Le Concert d'Astrée a choisi Cléopâtre, personnage de l'opéra Giulio Cesare composé par Georg Friedrich Haendel.
« Elle est une guerrière. Je ne sais pas qui est le plus fort des deux, entre Jules César et Cléopâtre, mais elle est bien rusée et c'est, je pense, une femme de tête. »