"Le Groupe des Six" de Pierre Brévignon-Sélection du Prix du Livre France Musique-Claude Samuel 2021
Par Maud Noury
Sélectionné pour le Prix du Livre France Musique-Claude Samuel 2021, "Le Groupe des Six" de Pierre Brévignon est publié chez Actes Sud.
Le Prix du Livre France Musique-Claude Samuel (anciennement Prix des Muses), a choisi cet ouvrage pour La Sélection 2021.

Le livre
Le Groupe des Six, surgi au lendemain de la Grande Guerre des rêves conjugués de Jean Cocteau et d’Erik Satie, entendait jeter les bases d’une nouvelle « musique française de France », purifiée des effluves wagnériens, de la brume debussyste et de la sauvagerie stravinskienne. Cette musique empruntant à l’esthétique du music-hall et du cirque devait rien moins qu’ « influencer le monde ». Programme ambitieux auquel aucun de ses membres - six jeunes compositeurs nommés Tailleferre, Auric, Durey, Honegger, Milhaud, Poulenc -, n’a jamais véritablement souscrit.
Cet essai analyse les conditions d’apparition de ce groupe dans le paysage artistique des Années folles, sa construction médiatique orchestrée par Cocteau, lobbyiste infatigable, et les raisons pour lesquelles son mythe perdure encore de nos jours, malgré la brièveté de son existence - deux ans tout juste.
L'auteur
Littéraire de formation (Paris IV-Sorbonne) et mélomane de cœur (60 battements par minute), Pierre Brévignon a d’abord travaillé comme éditeur avant de se consacrer à la traduction littéraire tout en écrivant sur la musique. Coauteur d’un Dictionnaire superflu de la musique classique paru en plusieurs versions augmentées entre 2005 et 2015, il a également eu le plaisir de collaborer aux programmes de l’Opéra de Paris et au magazine Classica, de donner des conférences d’avant-concert notamment à la Philharmonie de Paris, de chroniquer l’actualité musicale et discographique sur Internet, de signer des portraits de pianistes pour la Salle Gaveau, d’organiser le Centenaire Samuel Barber à Paris en 2010 et d’écrire la première biographie française consacrée à ce compositeur, parue en 2012. En cas de troisième confinement, il compte s’atteler à la transcription pour grand orchestre du 4’33’’ de John Cage.
- Quelle est la place de cet ouvrage dans votre carrière ?
Absolument centrale et totalement tangentielle.
- Qu’avez-vous cherché à montrer avec cet ouvrage ?
J’ai surtout cherché à comprendre comment le Groupe des Six, véritable météore de la musique française, a pu susciter une littérature si abondante, et parfois si hagiographique. Certes, au moins trois de ses membres - Poulenc, Milhaud, Honegger — occupent une place majeure parmi les compositeurs européens du XXe siècle, mais quel est l’apport artistique réel de ce Groupe, à cette époque-là ? M’intéressait particulièrement l’idée que cette création était l’œuvre d’un non-musicien, en la personne de Jean Cocteau. C’est lui qui imagine cet attelage de jeunes talents, lui qui « sent » l’air du temps et juge le public français prêt à accueillir ce qu’il présente, à longueur de manifestes, plaquettes publicitaires, articles de presse, comme des musiciens révolutionnaires. La montagne, on le sait, a accouché d’une souris - et cette souris m’a semblé intéressante à disséquer, loin de tout chauvinisme.
- Quels sont vos prochains projets ?
Trois projets me tiennent à cœur en ce moment : un essai consacré au peintre Willem De Kooning, artiste majeur auquel le public français préfère généralement son double tonitruant, Jackson Pollock ; une évocation de John Cazale, acteur mort à 42 ans en laissant une filmographie brève mais impeccable (second rôle inoubliable dans cinq films-phares du Nouvel Hollywood, où il porte la semi-calvitie à un degré de cinégénie insoupçonné) ; enfin, un roman tragico-burlesque mettant en scène un biographe paranoïaque enquêtant sur la vie d’un musicien américain (toute ressemblance avec des faits existants ne serait pas du tout fortuite).