VIDÉO - Le Kamalen N'goni, comment ça marche ? Par Pédro Kouyaté
Par Mattéo IachkinePédro Kouyaté est né et a grandi à Bamako, capitale du Mali. Venant d'une famille de griots, il nous présente le Kamalen N'goni, instrument ancestral imprégné de l'histoire, des traditions et de la culture de son pays natal. Portrait vidéo.
Le métier de musicien n’est pas facile, car on veut être au centre des regards. Mais le N’goni est un instrument qui dit : « c’est bien que moi je sois devant et toi derrière », d’où la position quand on en joue. Pédro Kouyaté
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France Musique : Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est un griot ?
Pédro Kouyaté : C'est la personne qui détient la tradition orale. Et d'après cette tradition, c'est un statut qui se transmet au sein d'une famille, donc on ne devient pas musicien quand on est griot, on NAÎT musicien ! Et on n'appartient plus uniquement, à son village ou à sa famille, on appartient au monde pour expliquer le monde à notre entourage.
France Musique : Quelle est l’histoire du Kamalen N’goni ?
Pédro Kouyaté : En Bambara, ma langue natale, « Kamalen » veut dire « jeune » et « N'goni » veut dire « guitare ». Le Kamalen N'goni est en fait un fac-similé d'un autre instrument plus ancien : le N'donso N'goni, « N'donso » voulant dire « chasseur ». Comme son nom l'indique, il vient de la Confrérie secrète des chasseurs. A l'origine, ce sont eux qui jouaient de cet instrument, mais de manière endogamique. Malgré tout, le son du N'donso N'goni plaisait aux jeunes et ces derniers ont été voir les chasseurs pour leur demander la permission d'en jouer. Par soucis de transmission, les chasseurs ont accepté et le Kamalen N'goni, la « guitare des jeunes », était né. Aujourd'hui, il est joué partout à Bamako, même si le N'donso N'goni est toujours joué de temps en temps dans les veillées de chasse.
France Musique : Pourquoi avoir choisi de jouer de cet instrument ?
Pédro Kouyaté : Quand j'ai commencé ce métier, j’étais tout le temps en tournée et un jour j'ai fait un burn-out. On m'a emmené à l'hôpital, mais personne n'a su dire ce que j'avais, j'étais juste très, très fatigué. Je suis retourné au village de ma mère et c'est là que j'ai rencontré le Kamalen N'goni, ou plutôt l'homme qui m'a soigné et qui en jouait. Il ne me touchait pas avec ses mains, mais qu'avec le son de l'instrument, d'où le pouvoir inexplicable qu'il a pour moi.
France Musique : Comment c’est fait, un Kamalen N’goni ?
Pédro Kouyaté : L'instrument est basé sur une calebasse. C'est le fruit du calebassier, une plante très présente en Afrique et qui une fois vidé, peut servir de récipient. On pratique une ouverture au sommet, sur laquelle on vient tendre une peau de chèvre avec des clous.
Sur cette peau, on fixe le chevalet à travers lequel passent les cordes. Normalement, il y en a six, mais on peut en rajouter pour augmenter la tessiture de l'instrument : mon Kamalen N'goni en possède huit, quatre à gauche et quatre à droite.
Elles sont tendues sur le bois central qui traverse la calebasse de part en part. Pour accorder l'instrument, on utilise des chevilles, même si sur l'instrument original, on se servait d'anses en peau de bête. A la jonction entre le bois central et la calebasse, on trouve deux pièces de bois très importantes : l'assise de l'instrument, sur laquelle on pose ses doigts.
France Musique : Est-ce que c’est difficile de jouer du Kamalen N'goni ?
Pédro Kouyaté : Pas du tout ! La seule difficulté est d’être sur le temps et détendu, car il ne doit pas y avoir de combat entre nous et notre instrument. Plus on est sincère et détendu, mieux c'est et de toute façon, l'instrument va détendre son musicien quoi qu'il arrive. Le N’goni est le maître : c’est lui qui pose la danse, d’où son côté transe et répétitif.
France Musique : Quels styles musicaux peut-on jouer avec cet instrument ?
Pédro Kouyaté : Il n’a pas de limites ! On peut tout à fait sortir du cadre traditionnel pour l'emmener très loin. Donc on peut tout jouer : le rock, le rockabilly, le jazz, le blues, etc. Et surtout, les petites chansonnettes amenées par les femmes, car tous les chants créés lors des faits sociaux africains viennent de l’univers féminin.
France Musique : Pourquoi devrait-on choisir le Kamalen N’goni, plutôt qu'un autre instrument ?
Pédro Kouyaté : Le Kamalen N’goni est touchant, c’est l’ami, la personne à interroger et appeler à tout moment. Aujourd’hui les femmes, les hommes, les pauvres et tous les jeunes en jouent, chacun y met ses inspirations. Au fond, « Kamalen » veut dire : « désormais c’est à vous, les jeunes. Prenez cet instrument, vulgarisez-le, jouez-le ». Cet instrument est ouvert à tout le monde, même aux non-musiciens !