Le métronome célèbre ses deux siècles d’existence
Par Aliette de LaleuDepuis 200 ans, le métronome rythme la vie des musiciens, chefs d’orchestre et compositeurs. Histoire d’un petit objet qui a révolutionné le monde de la musique classique.
L’histoire remonte en 1772 à Ratisbonne (Allemagne). Le couple Maëlzel - lui est facteur d’orgues- donne naissance au petit Johann. Le garçon s’initie rapidement à la musique et devient un pianiste accompli à l’âge de 14 ans. Mais la musique ne lui suffit pas, il veut apprendre les mécanismes des instruments et part à la rencontre d’horlogers spécialisés dans la construction de pendules à musique.
Notre mécanicien musicien, à peine vingt ans, fait la rencontre de Ludwig Van Beethoven . Les deux hommes passionnés de musique deviennent vite de bons amis. Johann Maëlzel réalise son rêve et se lance à partir de 1792 dans la construction d’instruments de musique mécaniques et d’automates.
Au début du 19ème siècle, l’inventeur se penche sur la question du tempo : allegro, presto… les indications sont trop imprécises à son goût. A l’époque, seul le chronomètre d’Etienne Loulié sert d’indicateur temporel pour les musiciens. Johann Maëlzel le trouve trop imposant et peu perfectionné. Il part en Hollande rencontrer un autre mécanicien, Dietrich Nikolaus Winkel**,** et lui expose son envie de retravailler le chronomètre. Winkel, sans le savoir, lui dévoile alors le fonctionnement du métronome que l’on connaît aujourd’hui.
En 1812, Maëlzel rentre à Vienne et met au point ce qu’il vient d’apprendre: c'est-à-dire le premier métronome. Ce n’est que trois ans plus tard que l’instrument fera son apparition (et sa révolution) dans le monde musical.
Qui est vraiment l’inventeur ?
En août 1815, les premiers métronomes se retrouvent entre les mains de presque 200 compositeurs sélectionnés par Johann Maëlzel. L’un des premiers à mettre en lumière cet instrument n’est autre que son ami Beethoven qui publie un livret d’interprétation de ses 8 symphonies avec les premières indications métronomiques.
L’invention saluée par le monde de la musique est injustement appropriée à Johann Maëlzel qui a l’audace de déposer un brevet à son nom. Aujourd’hui encore l’on peut trouver sur certaines partitions, à côté du tempo, les inscriptions M.M. pour « Maëlzel Métronome ». Le pauvre Winkel tentera désespérément de récupérer le titre de son invention, sans succès. De son côté, Maëlzel avoue, quelques années après le dépôt de son brevet, que s'il n'avait pas vu l'instrument de Winkel, l'idée ne lui serait pas venue de confectionner son métronome comme il l'a fait.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule supercherie de Maëlzel. Il est également l’inventeur du joueur d’échecs mécanique truqué. Son astuce : cacher un homme (très bon joueur d’échecs) à l’intérieur de la machine pour battre quiconque tentait de le défier au jeu.
Succès et débats autour du métronome
Le succès du métronome est immédiat. Un rapport de l’Institut de France montre l’enthousiasme porté à cet objet : *« Le métronome est à la musique ce que la boussole est à la navigation ». *
Dans un traité sur la musique publié par Louis-Casimir Colomb datant de la fin du 19ème l’on peut lire : « Le champ [musical] reste encore trop ouvert aux interprétations individuelles des exécutions. » Le métronome devient donc un indicateur précieux pour les interprètes. L’idée est de rester le plus fidèle à l’œuvre. Aussi, le petit instrument permet de donner aux compositeurs une certaine postérité à leurs pièces: plus les indications sont précises, plus leurs oeuvres seront jouées avec exactitude.
Mais au cœur du 19ème siècle, époque du romantisme et de la virtuosité, le métronome court un danger. Les musiciens veulent montrer qu’ils peuvent interpréter à leur manière une œuvre et que leur talent n’a pas besoin d’indicateur temporel. Au placard le métronome: il devient l’instrument des amateurs !
Même les compositeurs les plus attachés à cet instrument dénoncent l’usage du métronome, comme **Beethoven ** :
« Pas de métronome ! Celui qui a un sentiment juste n’en a pas besoin. Quant à celui qui en est dépourvu, le métronome ne lui sera d’aucune utilité, il fera courir par là tout l’orchestre. »
Hector Berlioz qui, quelques années auparavant, voyait dans le métronome un outil fort pratique pour que les chefs puissent recevoir des indications précises de la part du compositeur, se range aussi du côté des anti-métronomes :
« Je ne veux pas dire par là qu’il faille imiter la régularité mathématique du métronome. Toute musique exécutée de la sorte serait d’une froideur glaciale. »
Le métronome en musique
Pour saluer l’arrivée du métronome et le « génie » de son ami Maëlzel, Beethoven, lors d’un dîner arrosé, compose un petit canon à la gloire du métronome. Le Canon woO 162 « Ta ta ta lieber Maëlzel » imite, non sans humour, le rythme régulier et mécanique de l’appareil.
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Plus audacieux mais toujours avec humour, György Ligeti , compose en 1962 un Poème symphonique pour 100 métronomes. La première représentation fait un scandale. Le public n’apprécie pas les vingt minutes au son de la centaine de métronomes réglés à différentes fréquences. Et on peut les comprendre.
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A réécouter : le « Mot du jour » consacré… au métronome :
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