Le retour en grâce du vinyle concerne-t-il aussi la musique classique ?
Par Victor Tribot LaspièreLa 9e édition du Disquaire Day, grand rendez-vous des amoureux du vinyle, se tient ce samedi 13 avril. L'occasion de prendre la mesure du regain d'intérêt pour les microsillons et si cela s'observe également pour la musique classique.
Qui aurait pu parier sur un tel retour gagnant du disque vinyle, ne serait-ce il y a 5 ans seulement ? On peut désormais l'affirmer : ce n'est pas un simple effet de mode. Dans le monde, les ventes de vinyles ont progressé de 6% en 2018 par rapport à 2017, selon le syndicat national de l'édition phonographique (SNEP). En France, près de 4 millions de vinyles se sont vendus l'année dernière, une multiplication par 5 des ventes depuis cinq ans. Les microsillons représentent désormais 20% du chiffre d'affaires de la musique physique.
Une formidable dynamique dont le premier à se féliciter est Pascal Bussy. Le directeur du Calif, le club action des labels et disquaires indépendants de France, organisateur du Disquaire Day, estime que le vinyle est « vraiment devenu un segment de marché en croissance. C’est incroyable. L’industrie du disque est composée de grands patrons, de surdoués du marketing qui ont fait des grandes écoles, mais aucun d'entre eux n’avait prévu cette renaissance ! C’est une sorte de pied de nez à l’histoire de l’industrie du disque ».
Trois bonnes surprises accompagnent le retour du vinyle : premièrement, l’âge des acheteurs puisqu’un tiers d’entre eux a moins de trente ans, deuxièmement, le nombre de platines pour lire les disques a bondi de 60% en 2018 et enfin, le nouveau souffle donné à la profession de disquaire. Le Calif estime que chaque année, une dizaine de nouveaux magasins ouvre en France et principalement dans les villes moyennes. Alors qu’ils sont deux ou trois à mettre la clé sous la poste dans le même temps.
Et la musique classique dans tout ça ?
Malheureusement, la musique classique n’est pas encore très concernée par cette renaissance. « C’est tout à fait marginal », explique Alain Lanceron, président des labels Warner Classics et Erato. « Nous sortons des vinyles pour faire des affiches dans les magasins, parce que les pochettes sont plus grandes et qu’elles offrent plus de visibilité » plaisante-t-il à moitié.
Si Alain Lanceron commence à observer que les disques vinyles sont de plus en plus demandés aux Etats-Unis et en Asie, la France est très loin du compte. Sur les près de 4 millions d’unités vendues dans l’hexagone en 2018, seulement 17 000 concernaient la musique classique, calcule le président de Warner Classics. Une goutte d’essence dans une mer de pétrole.
Mais un frémissement commence à se faire sentir en ce qui concerne les fonds de catalogue. « Nous avons des chiffres de vente plutôt significatifs avec des artistes du passé. Les suites de Bach par Rostropovitch, le disque des trois ténors, certains enregistrements de Jacqueline du Pré, etc. » précise Alain Lanceron.
De plus en plus, les artistes eux-mêmes souhaitent voir leurs albums sortir en vinyle. C’est le cas de Philippe Jaroussky dont le dernier opus, consacré à Cavalli, est paru en vinyle. « J’avais déjà eu l’occasion d’entendre ma voix enregistrée sur vinyle à l’occasion d’un disque de Cecilia Bartoli, sur lequel j’avais chanté quelques duos. J’avais été séduit par la chaleur de la voix » se souvient le contreténor, propriétaire d’une platine vinyle depuis un an.
« Pour compléter ma collection, j’avais très envie d’avoir un de mes albums en vinyle » plaisante-t-il. « Parfois, j’ai l’impression que les 33 tours correspondent parfois moins à la musique symphonique avec un grand orchestre, mais pour les voix ça apporte une chaleur indéniable ». Philippe Jaroussky pense que, jusqu’à preuve du contraire, tous ces prochains albums sortiront en vinyle. D’autant plus qu’il fait partie des artistes français qui se vendent très bien aux Etats-Unis, pays de prédilection des amateurs de microsillons.
Seul domaine où les disques classiques sortent leur épingle du jeu, le marché de l’occasion. Certaines raretés, en premier pressage, peuvent se vendre plusieurs milliers d’euros. C’est le cas du violoncelliste méconnu André Levy, dont son enregistrement des Suites de Bach vaut actuellement 16 000 euros.