Plus d’un an et demi après l’annonce de la destruction de la maison du compositeur Pierre Henry, décédé en juillet 2017, son studio est exposé au Musée de la musique de la Philharmonie de Paris dans un espace dédié de 120m2.
Quelques mois après la mort du père de la musique concrète, Pierre Henry, en juillet 2017, on apprenait que sa maison, située dans le XIIe arrondissement de Paris, qu’il occupait depuis 1971, devait être détruite pour laisser la place à un projet immobilier.
Mais cette maison n’était pas ordinaire. Au fil du temps, elle était devenue un studio, un lieu de stockage de toutes les archives du compositeur, son laboratoire de recherche en électro-acoustique et devenait parfois salle de concerts. Un endroit qui conservait toute l’oeuvre de Pierre Henry depuis presque 50 ans.
Un an après le décès du compositeur, Isabelle Warnier, sa compagne, quittait les lieux et vidait la maison, inquiète. Mais aujourd'hui, grâce à une pétition, au soutien des proches du compositeur, de ses collaborateurs et collaboratrices, notamment Bernadette Mangin, et d’institutions comme la mairie du XIIe, le Musée de la musique ou la Bibliothèque nationale de France, elle déclare être soulagée : « Ça a été une période très éprouvante et complexe parce qu'il a fallu trouver, en un an, les bonnes solutions pour un fonds qui était rassemblé dans cette fameuse maison du 32 rue de Toul. Et je dois dire que les choses se sont dénouées et organisées, au fur et à mesure, au-delà de toute espérance ».
Un nouvel espace à la Philharmonie de Paris
En octobre 2019, le projet de reconstitution du studio de Pierre Henry dans le Musée de la musique de la Philharmonie de Paris s'est concrétisé en ouvrant ses portes au public. Cet espace, fidèle à ce que l'on pouvait trouver dans la maison du XIIe arrondissement, est une « très grande réussite » pour Isabelle Warnier_._ A l’entrée du musée, un couloir et une pièce de 120m2 sont consacrés au compositeur, à son univers, et plus généralement à la musique concrète.
« Le principe est d'évoquer non seulement l'oeuvre de Pierre Henry mais aussi sa postérité », explique Thierry Maniguet, conservateur du Musée de la musique. « Nous voulions montrer combien finalement Pierre Henry s'est lui-même beaucoup inspiré, ressourcé auprès des musiques actuelles et comment lui-même a été le père spirituel d'un certain nombre de mouvements aujourd'hui qui considèrent que sans lui tout ça n'aurait pas existé. »
L’espace intitulé sobrement Studio Pierre Henry s’adresse à un large public, notamment aux plus jeunes grâce à des modules interactifs qui permettent d’appréhender l’oeuvre de Pierre Henry de façon très concrète, comme avec son célèbre Psyché Rock : « Vous pouvez mettre un casque et avec les curseurs, vous faites votre propre mixage des 5 voix utilisées par le compositeur en les baissant ou en les augmentant, puis, à tout moment, retrouver la version originale en appuyant ici », présente Thierry Maniguet.
Vous voyez tout ce qui faisait l'univers du compositeur, mais aussi l’âme de cette maison
Cette approche pédagogique de l'oeuvre de Pierre Henry se retrouve au travers de ces modules interactifs, mais aussi dans la disposition du studio et du matériel exposé : « On a vraiment essayé de transmettre au public d'aujourd'hui et aux générations futures cet esprit tout à fait particulier de la maison. Vous voyez les machines mais vous voyez bien d'autres choses : les bandes, tous les accessoires, les ciseaux de Pierre Henry ou son fauteuil. En fait, vous voyez tout ce qui faisait l'univers du compositeur, mais aussi l’âme de cette maison », poursuit le conservateur du musée qui souligne aussi l'importance d'avoir conservé les branchements : le studio est actif et pourra être utilisé à certaines occasions par des compositeurs ou compositrices.
Pour Isabelle Warnier, ce travail d’accessibilité de l’oeuvre de Pierre Henry aurait plu au premier concerné parce qu’il « adorait le contact avec le public, c’est aussi pour ça qu’il a initié les concerts chez lui. Mais il n’a jamais eu le temps de se consacrer à une transmission pédagogique : il fallait tout le temps qu’il crée ».
Depuis sa disparition, Isabelle Warnier passe son temps à faire vivre l’oeuvre de son époux_._ Dans un local du XIIe arrondissement, et avec l’aide de Bernadette Mangin, grande collaboratrice du compositeur, elle trie, archive et prépare un catalogue exhaustif et illustré de toute l'oeuvre de son mari qui va paraître aux éditions de la Philharmonie début 2021. Le lieu présente aussi quelques magnétophones, enceintes et œuvres concrètes de Pierre Henry, accrochées aux murs.
Restent les 14 000 bandes magnétiques du compositeur, confiées à la Bibliothèque nationale de France qui va les numériser et les conserver, « et je pense que Pierre serait très content », ajoute Isabelle Warnier. Soulagée, cette dernière ne chôme pas pour autant car, en plus du livre, un week-end Pierre Henry est organisé à la Philharmonie de Paris du 20 au 23 novembre, avec tables rondes et concerts. Un programme auquel elle participe largement et « qu’il aurait adoré jouer », ajoute-t-elle.