Les orgues, victimes collatérales de la sécheresse
Par Clément BuzalkaAvec les fortes chaleurs de ces dernières semaines, les orgues surchauffent et leurs machineries s'étouffent. Et tout est à réaccorder…
Dans la cathédrale de Tours, l’orgue ne sonnait pas tout à fait comme d’habitude, jeudi dernier. Pas de mélodie, ni même les œuvres traditionnelles qui font vibrer l’édifice. Mais plutôt des accords, des gammes. Les visiteurs lèvent les yeux vers l’aile Sud de la nef. Ils ne le voient pas mais Gérard Proust, l’organiste principal, s’active à l’intérieur du buffet. Il doit réaccorder chacun des 818 tuyaux anciens de l’instrument. Il va y passer l’après-midi, armé seulement d’une mince réglette et de son oreille quasiment absolue. Finalement, tout semble sonner juste. En tout cas, une chose est sûre : cela sonne déjà mieux qu’au début de la journée !
En près de 40 ans aux claviers de l'imposant orgue de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, classé monument historique en 1984, Gérard Proust n'avait jamais vu des températures aussi élevées à la tribune de l'édifice. Il faut dire que la semaine dernière, le mercure a dépassé les 40 degrés en Touraine. Et l'intérieur de la cathédrale n'est pas épargné. Sous les trois verrières de la nef, l'orgue suffoque. « Il est asphyxié ! », renchérit Gérard Proust.
Aucun des 56 jeux de l’orgue n’est épargné
Pourtant, l'instrument n'est pas si vieux. Il a été restauré en 1996. Mais rien n'y fait : les métaux et les bois de ses 4 000 tuyaux se dilatent. « L'air chaud abîme l'instrument », explique l'organiste principal. Gérard Proust vient donc tous les jours au chevet de son instrument. Passant des heures à le réaccorder et à installer des bassines d'eau fraîche dans le coffre, pour faire monter l'humidité et descendre la température. Ce travail d’orfèvre, il en est fier. L'entretien de toute cette machine est pour lui une vraie passion. Et le son majestueux de l'orgue en concert, une récompense. Seulement, le calendrier des représentations a été revu à la baisse cette saison. La raison : la canicule, encore une fois, et la fragilisation de l'instrument. Gérard Proust grimace.
« En 2003, même la technique des bassines d'eau était inefficace. Avec un ami, nous tendions des draps mouillés toute la nuit autour de l'orgue pour le protéger des masses d'air chaud, ajoute Gérard Proust. Mais c'est un peu un combat de David contre Goliath, quand on voit la taille de l'instrument...»
Une situation qui commence de plus en plus tôt
« Plus les températures vont augmenter au cours du mois d'août, plus l'orgue va souffrir », prévient l'organiste. Les conditions de travail au clavier sont également plus difficiles pour lui. Les touches sont plus dures, les sons ne viennent pas, certaines tonalités sont totalement déréglées. « J'ai l'impression de devoir prendre un marteau pour jouer chaque note », sourit Gérard Proust. Heureusement, la situation devrait rentrer dans l'ordre, comme si de rien n'était. Mais il faudra encore passer les fortes chaleurs de la fin de l'été.