Louis de Funès, l'homme orchestre !

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Louis de Funès, l'homme orchestre !

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Louis de Funès en chef d'orchestre dans La Grande Vadrouille de Gérard Oury, en 1966.
Louis de Funès en chef d'orchestre dans La Grande Vadrouille de Gérard Oury, en 1966.
© AFP - Collection Christophel / RnB © Les Films Corona / Rank Organisation

Avant de caracoler en tête du box-office avec La Grande Vadrouille, Rabbi Jacob ou Le Gendarme de Saint-Tropez, Louis de Funès a d’abord exercé en tant que pianiste, dans les cabarets et théâtres parisiens.

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« Je ne veux que Berlioz et moi ! » la réplique est devenue culte, tout autant que la scène dans laquelle Louis de Funès, chef d’orchestre mégalomane et irritable, fait répéter les musiciens de l’Opéra de Paris, dans la grande salle du Palais Garnier. 

Nous sommes en 1966, sur le plateau de La Grande Vadrouille et le réalisateur Gérard Oury a réuni deux géants du cinéma français : Louis de Funès et Bourvil. Le premier incarne Stanislas Lefort, chef d’orchestre au caractère délicieusement désagréable, et le second est Augustin Bouvet, bienveillant peintre en bâtiment. 

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Si le scénario de La Grande Vadrouille ne comprend que deux courtes scènes de direction d’orchestre pour le personnage interprété par De Funès, le comédien a répété avec acharnement pendant trois mois, fidèle à sa réputation de grand méticuleux. Le jour du tournage, ses gestes de direction se révèlent si précis, si vraisemblables, que les musiciens de l’orchestre l’applaudissent à tout rompre. 

« Il n’avait aucun mal, parce qu’il avait un rythme fou, témoignera le compositeur Georges Auric, auteur de la bande originale de La Grande Vadrouille. Son passé de pianiste de bar lui avait donné un rythme d’enfer. » 

« J’ai tapé sur la commode  »

« Oui, j’ai tapé sur la commode, comme on dit en termes techniques », plaisante l’acteur au cours de son interview avec la journaliste France Roche, en 1970, après avoir répondu par un « oui » timide lorsque celle-ci lui fait remarquer qu’il a fait ses débuts sur scène en tant que pianiste. 

C’est dans les années 1940, pendant et après l’Occupation par les troupes allemandes, que Louis de Funès exerce comme musicien dans les bars et cabarets de Pigalle, quartier festif de la capitale. En 1964, il raconte au micro de Pierre Nivollet : « Je me souviens que dans la dernière maison où j’ai joué, le Club de Paris,  je jouais de 5 heures et demi du soir à 5 heures et demi du matin…. Sans arrêt ! C’était très fatigant… » 

« Je suis presque sûr que j’aurais pu faire un très bon interprète » confie-t-il à Pierre Nivollet. « Aurait pu », car de Funès rechigne à se considérer comme un véritable musicien : il ne sait pas lire la musique, ne peut pas jouer avec orchestre... Dans sa jeunesse, les leçons de piano n’auront d’ailleurs duré qu’un an, mais une fois au clavier, Louis de Funès sait improviser, enchaîner les grands standards de la chanson ou du jazz jusqu’au petit matin. Musicien, il l’est donc, ne serait-ce que grâce à son excellente oreille et son sens de l’improvisation. 

En 1981, il raconte au micro de Macha Beranger : « Vous savez, dans les bars, il se passe des choses bizarres ! Si quelqu’un commençait à s’engueuler, moi j’appuyais ça [au piano] ! Pour calmer, je réduisais… Mais je pouvais aussi les faire reprendre [en jouant plus fort] ! » 

Drôle d’univers que celui des nuits parisiennes, et si le rythme de travail se révèle éreintant pour l’aspirant comédien, les fins de mois sont, elles aussi, difficiles… Ces années passées à jouer du piano seront donc synonymes de vache maigre pour Louis de Funès. Mais l’artiste est à bonne école. Dans les bars et cabarets, il apprend à distraire,  amuser,  enchaîner les numéros, le tout avec un certain sens du spectacle et du rythme.

Ce spectacle, c’est d’abord celui du corps. Car impossible de bavarder ou disserter lorsqu’on est derrière le piano, qui plus est au fond d’une salle bruyante. Seule la musique et les expressions du visage permettent d’amuser, de capter l’attention du public, et c’est peut-être dans ce contexte, que Louis de Funès a pu développer - ou en tout cas exploiter - son art de la grimace et de la mimique. « Je racontais des histoires pendant que j’étais au piano » dira-t-il au matinalier de l’ORTF Georges Lourier, en 1962.

Noëlle Adam et Louis de Funès dans "Comme un cheveu sur la soupe" (1957).
Noëlle Adam et Louis de Funès dans "Comme un cheveu sur la soupe" (1957).
© AFP - Gaston Thonnart / Champs-Élysées Productions

« Ca vous plait, j’espère ? »

Lorsque Louis de Funès s’inscrit à ses premières leçons de théâtre, au Cours Simon, en 1942, il a presque trente ans, et il découvre tout à coup le trac, la frustration, la concurrence acharnée... Lui qui veut devenir comédien comprend vite que ce n’est pas grâce au théâtre dramatique qu’il se fera un nom, et retourne donc aux ambiances joyeuses et burlesques des cabarets. 

Un beau jour de 1944, la chance lui sourit. A la sortie du métro Villiers, dans le XVIIe arrondissement de Paris, il croise Daniel Gélin, un comédien rencontré deux ans plus tôt, au Cours Simon. Ce dernier cherche justement un pianiste pour quelques spectacles musicaux. Un pianiste avec de la personnalité, un certain sens du comique... 

Pendant près de dix ans, le comédien enchaîne les petits rôles au théâtre et au cinéma. Il rejoint notamment la joyeuse bande des Branquignols, compagnie fondée par Robert Dhéry et Colette Brosset, et se retrouve à l’affiche de Ah ! Les Belles Bacchantes en 1954, un spectacle dans lequel les spectateurs se délectent, déjà, de son art de la mimique et du sens du ridicule. 

1957. Le réalisateur Maurice Regamey offre à Louis de Funès, 43 ans, sa toute première place en tête d’affiche. Et là encore, le piano n’est pas très loin… Dans ce film intitulé Comme un cheveu sur la soupe, de Funès incarne Pierre Cousin, un compositeur de chansons incompris du public et qui tombe amoureux d’une belle et jeune interprète, incarnée par la danseuse Noëlle Adam

Le film rencontre un court mais franc succès auprès du public, et de l’autre côté de la Manche, le journal The Times n’hésite pas à comparer Louis de Funès à un autre grand nom du cinéma, lui aussi formé au sein de l’univers du music-hall : Charlie Chaplin

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« J’ai gardé ça dans l’esprit ! »

Pouic-Pouic (1963), Le Gendarme de Saint-Tropez (1964), Le Corniaud (1965), La Grande Vadrouille (1966), La Folie des Grandeurs (1972), Les Aventures de Rabbi Jacob (1973)... Louis de Funès compte désormais parmi les acteurs les plus populaires du cinéma français. Et le piano ? « Je ne joue plus… reconnaît-il en 1962 au micro de Georges Lourier (ORTF). J’ai joué jusqu’à douze heures d’affilée dans les boîtes de nuit, ça m’a un peu dégoûté… Mais enfin j’ai gardé ça dans les mains et dans l’esprit ! Et à l’occasion peut-être, dans une pièce ou dans un show, je rejouerai du piano… »

Ces occasions de renouer avec l’art du clavier ne se présenteront pas, mais l’oreille musicale de Louis de Funès, elle, se révèle bel et bien à travers ses films. On le voit ainsi en chef d’orchestre dirigeant La damnation de Faust de Berlioz dans La Grande Vadrouille, artiste multifacette dans le film musical L’homme-orchestre, ou encore danseur dans Le Grand Restaurant et Rabbi Jacob.

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Ce que Louis de Funès conserve finalement de ces années music-hall, c’est une famille, un héritage qui lui permet de garder ses repères au cours de son ascension vertigineuse, et une fois sa notoriété confirmée. Sur le tournage du Corniaud (1965), il se lie ainsi d’amitié avec Bourvil, passé lui-aussi par les cabarets parisiens. 

En 1971, alors qu’il a acquis la réputation d’être distant et réservé hors caméra, Louis de Funès se découvre également une agréable complicité et un même sens de l’humour avec le comédien-chanteur Yves Montand : « Probablement parce que je viens du music hall, et qu’il vient du music hall », expliquera ce dernier sur tournage de La Folie des Grandeurs, face à la caméra d’ Elisabeth Desaint.

Des cabarets et lieux de vie nocturne parisiens, Louis de Funès hérite d’une culture populaire, d’un sens du spectacle et du rire, que certains ne manqueront pas de lui reprocher. Et tandis que le succès attire mépris et critiques, que certaines voix lui reprochent de promouvoir, à travers ses films, un comique trop facile, commercial, Louis de Funès peut répondre avec conviction qu'au moins « ça veut dire que ça fait rire du monde !»

(*)Louis de Funès, le 30 septembre 1966, sur France Inter. 

26 min