Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, révélation des Victoires de la musique classique 2022
Par Côme Jocteur-MonrozierRencontre avec Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, nommée dans la catégorie “Artiste lyrique” des Victoires de la musique classique 2022.
Marie-Andrée Bouchard-Lesieur est une mezzo-soprano nommée dans la catégorie “Artiste lyrique” des Victoires de la musique classique 2022. Formée au conservatoire de Bordeaux, elle intègre ensuite l'Académie de l'Opéra de Paris sur la scène duquel elle se produit régulièrement. Nous l'avons rencontrée lors des répétitions au Studio 104 de la Maison de la Radio et de la Musique, vendredi 14 janvier.
Comment avez-vous découvert votre voix ?
Je n’ai pas grandi entourée de musique classique même si ma famille était mélomane mais je chantais à tue tête tout le temps, tout et n’importe quoi, depuis toute petite. Ma mère dit que les premiers mots que j’ai chantés c’était “la donna e mobile” parce qu’elle passait un disque de Pavarotti de temps en temps et je répondais toujours “mobile” en réclamant cette chanson, je ne sais pas si ça vient de là.
J’ai découvert l’opéra au collège. Je suis allée voir mon premier opéra vers mes 15 ans, c’était Cosi fan Tutte à Garnier, et j’ai trouvé ça incroyable. J’aimais l’opéra, j’aimais la voix et j’aimais aussi beaucoup le théâtre : c’est ce mélange qui m’a plu tout de suite. Mais je ne jouais pas du tout d’instrument et je ne chantais pas, c’est donc resté dans un coin de ma tête.
Comment êtes-vous arrivée à la musique ?
Je m’étais posée la question vers mes 18 ans de prendre des cours de chant sauf qu’il n’y avait pas de conservatoire près de chez moi. Après, j’étais en prépa à Caen, puis à Sciences-po à Bordeaux avant de partir en Erasmus à Salzbourg, en fac de Sciences politiques. C'était un peu voulu, parce que j'aimais de plus en plus l'opéra et je pouvais profiter du festival de Salzbourg en étant à deux heures de Vienne et de Munich. Pendant un an je me suis régalée d’opéra.
Puis en revenant à Bordeaux, juste pour mon plaisir, j’ai tenté le concours du conservatoire, pour voir comment la voix fonctionnait et parce que j’aimais chanter mais vraiment dans un but amateur. Mais, au bout de deux ou trois cours, ça a été une évidence : j’ai compris que c’était ça que je voulais faire. J’ai eu la chance de tomber sur une professeure incroyable, Maryse Castets, qui est toujours enseignante là-bas.
Qu’est-ce qui vous a décidée à en faire votre métier ?
Ma première année de conservatoire, j’avais déjà 21 ans, je n’avais jamais fait de solfège : j’avais tout à bâtir. J’ai parlé avec ma professeure qui m’a encouragée tout en me disant qu’il y avait du travail et j’ai décidé d’arrêter Sciences-po. Les études plus classiques, je pouvais les reprendre plus tard. Ma dernière année de conservatoire, j’ai passé le concours de l’Académie de l’Opéra de Paris et j’ai enchaîné. Et l’été entre la fin du conservatoire et le début de l’académie, j’ai fait le Young Singers Project à Salzbourg.
Je suis donc retournée à Salzbourg, six ans après mon Erasmus, pour chanter dans Médée de Cherubini avec le Wiener Philharmoniker. C’était le deuxième rôle de ma vie et je me disais : qu’est-ce que je fais ici ? C’était assez hallucinant. Maintenant, avec le recul, je me dis que j’étais folle. C’était aussi l’innocence des débuts. Mon premier concert avec orchestre c’était à la Mozarteum Salle avec l’orchestre du Mozarteum, je chantais La Reine de Saba de Gounod, un air très difficile. Avec le recul je me dis qu’aujourd’hui, je ne le referai même pas, je n’irai pas.
Tout est allé très vite pour vous
J’ai eu aussi beaucoup d’étoiles qui se sont alignées, des rencontres au bon moment. Ma toute première expérience de scène avant ça c’était La Walkyrie à Bordeaux. Je faisais une des Walkyries donc le premier mot que j’ai chanté à l’opéra c’était “hojotoho”. Tout était très neuf : les costumes, la mise-en-scène, le son de l’orchestre, les chefs, les castings incroyables. Une euphorie du débutant et en même temps une vraie trouille. C’est aussi mon tempérament : il faut un côté kamikaze pour aller sur scène devant tant de personnes et prendre des risques, ça fait partie aussi de ce qu’on aime dans ce métier.
Comment définiriez-vous votre voix ?
Je suis une soprano falcon, de Cornélie Falcon, qui était une chanteuse du XIXe siècle qui n’a pas fait une longue carrière, c’est-à-dire une mezzo avec des aigus. Je sens aujourd’hui que ma voix va vers du répertoire plus aigus, notamment en allemand, chez Strauss ou Wagner, mais je prends mon temps avant d’aborder ce répertoire.
Je crois aussi que j’ai un timbre très français tout en étant lyrique. Un type de voix qu’on ne trouve pas toujours pour des personnages comme Marguerite dans La Damnation de Faust ou Mère Marie dans Les Dialogues des Carmélites : des rôles entre mezzo et soprano. C’était par exemple, sans me comparer, le répertoire de Régine Crespin.
Vous avez un rêve comme musicienne ?
J’aimerais énormément chanter à Bayreuth un jour. C’est un rêve. Il n’y a pas eu énormément de français là-bas. Une Vénus de Tanhäuser par exemple, une Sieglinde peut-être un jour. A court terme, chanter sur scène Charlotte dans Werther.
Qu'est ce que ça changerait pour vous d'obtenir cette Victoire de la musique ?
Déjà d’être nominée c’est presque un rêve : ça fait des années que je regarde les Victoires et je me disais, que, de toute façon, je serai trop âgée pour être jamais dans la catégorie révélation. J’espère que ça m’ouvrira les portes de certains théâtre. Et puis ce sont aussi de belles rencontres artistiques : je ne connaissais pas Sarah Aristidou. Il faut y voir un côté convivial même si l’enregistrement est effrayant. On n’a pas le droit à l’erreur, ce qui n’est pas vraiment la réalité du métier : on prend énormément de risques en salle. Mais je vais essayer de m’amuser quand même, sinon je ferais un autre chose.
Un proche, un musicien ou un artiste qui vous a donné envie de faire de la musique ?
C’est un peu cliché, mais Maria Callas. C’est cliché parce que tout le monde l’aime, mais il y a quelque chose d’animal, une évidence quand on l’écoute ou qu’on la voit, parce que c’était aussi une immense actrice. Elena Obratsova aussi, un ovni dans le monde lyrique. Ce sont des voix comme celles-là qui m’ont transpercée d’une certaine façon et qui m’ont donné envie d’y aller. Je pense encore à ma professeure de chant, qui m’a raconté des anecdotes sur sa carrière : ça éveille l’appétit pour la scène, ça donne envie de se lancer soi-même.
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