Marta Gentilucci, mettre en musique le corps âgé des femmes

Marta Gentilucci à la Villa Médicis, où elle a été pensionnaire durant une année.
Marta Gentilucci à la Villa Médicis, où elle a été pensionnaire durant une année.

Marta Gentilucci, le corps des femmes en musique - Culture prime

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Marta Gentilucci, mettre en musique le corps âgé des femmes

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Représenter en musique et en image la beauté d’un corps d’une femme qui vieillit, c’est le projet de la compositrice Marta Gentilucci et de la photographe américaine Susan Meiselas dans “Cartographie du Corps”, présenté aux Rencontres de Arles 2022.

« C’est important de parler du corps de femmes vieillissant, parce que c’est quelque chose d’invisible, que l’on cache. Ce projet est une réflexion sur ce que veut dire vieillir et garder sa propre énergie, son identité de femme »,  explique la compositrice Marta Gentilucci. A l’origine de ce projet, une réflexion commune entre la photojournaliste américaine Susan Meiselas et la compositrice, alors qu’elles sont toutes deux en résidence au Radcliffe Institute, à Harvard, aux Etats-Unis. « Il y avait des résidentes, plus âgées que moi, qui avaient plus de 60 ans. Ces femmes étaient extrêmement vivantes, pleines d'énergie, engagées dans la vie politique, scientifique ou économique...».  Inspirées par ces résidentes, les deux artistes font germer l’idée d’une représentation des corps féminins âgés dans toute leur vitalité, et d’une manière positive.

Elles partent en Italie, dans la ville natale de Marta Gentilucci afin d’y rencontrer des femmes de la famille et des proches : un moyen d’entrer plus facilement dans l’intimité de ces femmes âgées. Passés quelques jours à les observer, les deux artistes décident de se concentrer sur l’activité des mains de ces femmes :  « la partie du corps la plus vivante, la plus spécifique et le plus abstraite, en même temps » , développe la compositrice.

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Des mains qui cuisinent, qui coupent des oliviers, qui dessinent... Susan Meiselas filme, en noir et blanc, en gros plan, insistant sur l’action des mains. Marta Gentilucci enregistre les sons de ces activités, elle les retravaille et les transforme pour créer une ambiance sonore unique qui accompagne la vidéo. « Ce sont des sons qui viennent par exemple de quelqu’un qui gratte sur du bois pendant la préparation des gâteaux, du bruit de la farine... ça m’a beaucoup amusée de penser à construire des structures rythmiques écrites, organisées à partir de quelque chose qui est très organique et physique : cette étape de transformation entre le son réel et la transformation musicale. »

Exposer le corps d'une femme âgée, «  un choix politique »

Marta Gentilucci est soprano de formation. Son rapport à la voix et au corps est une composante essentielle de son travail. « Comme chanteur, tout passe à travers le corps. Le son est interne, donc l'instrument est le corps. Ma façon de composer est liée à cette relation physique avec les sons » , souligne-t-elle. Elle termine en août 2022 une résidence d’un an à la Villa Médicis, qui lui a permis d’achever la partie sonore de  Cartographies du Corps . L’œuvre est présentée entièrement aux Rencontres de Arles durant l’été 2022, et en partie à la Villa Médicis.

« Je pense que parler du corps vieillissant des femmes, d’une façon positive, dans un contexte social qui n’est pas forcément propice, c'est une sorte de contribution et aussi un choix politique »,  assure la compositrice. Elle souligne qu’elle n’a pas cherché une forme de militantisme mais que ce sujet s’est imposé naturellement à elle. « À un certain moment, peut être après un certain âge, je ressens cette liberté de pouvoir assumer le fait que je suis une femme compositrice et pas un compositeur, que j’ai une proximité avec un corps de femme, avec une voix de femme. Je ressens la volonté de faire attention à ces sujets. »

A voir : Cartographies du corps aux Rencontres d'Arles été 2022

A voir :  Etincelles / Scintille, programmée à la Villa Médicis jusqu’au 7 août 2022