Mort de Valéry Giscard d'Estaing : Le président de la culture visible
Par Laurent BordeValéry Giscard d'Estaing est décédé dans la nuit du 2 décembre à l'âge de 94 ans. Président, il avait décidé de ne pas faire de la culture une de ses priorités malgré quelques transformations notables comme le musée d'Orsay, le parc de La Villette, ou la création de l'ensemble intercontemporain.
Le président Valéry Giscard d'Estaing est mort dans la nuit du 2 décembre des suites du Covid-19. Si l'on retiendra de lui la loi Veil sur l'avortement, le divorce par libre consentement, ou encore la réforme du conseil constitutionnel, son septennat a aussi laissé une trace dans le monde de la culture. Notamment la suppression de l'ORTF.
Dés le début de sa mandature en 1974, à l'inverse de Georges Pompidou et de sa politique culturelle dynamique, Valéry Giscard d'Estaing ne considère pas la culture comme une de ses priorités. Le Ministère des Affaires Culturelles est raboté et devient un secrétariat d'Etat à la culture dirigé par Michel Guy, ami de Georges Pompidou et créateur du Festival d'automne à Paris en 1972. Adepte du volontarisme politique, il décide d'aider les créateurs et concentre principalement son action sur les spectacles vivants. Il fait renaître une opposition dans le monde culturel avec une sorte d'élitisme d'un côté, et de l'autre, une sorte de libération.
Bien que délaissé, le secrétariat d'état de Michel Guy permet à 25 troupes théâtrales de recevoir chacune une enveloppe d'un million de francs. et nomme directement les nouveaux dirigeants de centres dramatiques, s'opposant ainsi indirectement à l'esprit du théâtre populaire selon les partisans de la décentralisation théâtrale. Il fait également scandale en nommant Jacques Rosner à la tête du conservatoire. Le metteur en scène avant-gardiste va réformer l'Institution de fond en comble, notamment avec la formation des comédiens et la suppression des examens de sortie. La littérature est aussi prise en considération. En 1975, la lecture publique est intégrée au sein de la Direction du livre, tout juste créée. Le Centre national des Lettres est totalement réformé.
L'Opéra de Paris n'est pas en reste. Rolf Liebermann, son administrateur mis en place par Georges Pompidou, est soutenu par le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing. Pour le prouver, le secrétariat d'Etat à la culture fait diffuser Don Giovanni en 1976 à la télé, compté dans les quotas de diffusion de manifestations artistiques. La même année, Pierre Boulez crée, avec l'aide de l'Etat, l'ensemble intercontemporain. L'Orchestre National de Lille, dirigé par Jean-Claude Casadesus, et l'Orchestre de Metz sont également créés. L'ONDA, l'Office National de Diffusion Artistique voit aussi le jour afin d'aider les petites structures à accueillir des troupes théâtrales et chorégraphiques de moyen format.
Président du patrimoine
Valéry Giscard d'Estaing veut des transformations visibles et évidentes pour le public. Sa politique culturelle va s'atteler à réhabiliter plusieurs grands bâtiments. La création du musée Picasso est décidée en 1974, avant un concours d'architectes en 1976. Le musée n'accueillera du public qu'à partir de 1985. Le musée de la Renaissance d'Ecouen, installé dans le château entièrement rénové et inauguré en 1977, devient un des symboles de la politique culturelle présidentielle. Un des plus grands projets culturel du septennat de Valéry Giscard d'Estaing restera la transformation de la gare d'Orsay en musée. Classé monument historique en 1978, le musée n'ouvrira ses portes qu'en 1986, durant le septennat de François Mitterrand.
L'autre gros chantier du mandat de Valéry Giscard d'Estaing est la métamorphose du quartier parisien de La Villette. Les abattoirs existants depuis la fin du 19ème siècle ferment définitivement en 1974. Cinq ans plus tard, en 1979, le site est réaménagé en un complexe unique au monde. Baptisé Parc de La Villette, il ouvre ses portes au public en 1987 et regroupe architecture, nature, culture, et loisirs sur 55 hectares. Deux lieux sont, aujourd'hui encore, les témoins de l'époque révolue des abattoirs et des marchés aux bestiaux : la grande halle et la halle aux cuirs, cette dernière étant devenue un lieu de création artistique.
Démantèlement de l'ORTF
Dès l'été 1974, Jacques Chirac, alors premier ministre, entreprend d'importantes réformes dont la suppression de l'ORTF. Valéry Giscard d'Estaing prône l'indépendance des radios et télés et déclare qu'elles ne sont pas "la voix de la France".
Le gouvernement juge également trop coûteuse la gestion du budget de 2400 millions de francs de l'ORTF et la gestion de ses 16000 agents. L'ORTF est supprimé avec la promulgation de la loi du 7 août 1974.
Il est totalement démantelé le 31 décembre 1974 avec, d'un côté, Radio France et ses quatre radios, de l'autre les chaînes de télé qui en profitent pour changer de nom. La première chaîne devient TF1, la deuxième chaîne Antenne2, et la troisème chaîne France Région 3, plus communément appelée FR3. Cette dernière est représentée partout grâce aux bureaux régionaux de radio et télévision de l'ORTF qu'elle récupère.
Trois établissements publics sont aussi créés. La Société Française de Production et de Création Audiovisuelle, appelée SFP, s'occupe de toutes les activités de productions. L'INA, L'Institut National de l'Audiovisuel est chargé de regrouper les archives de la radio et la télé. TDF, Télédiffusion De France, s'occupe désormais de la gestion de tous les émetteurs.
Le siège principal des médias se situent désormais à Radio France. Tous les studios de télé et les cars régies sont gérés par la SFP, sauf trois situés à Lille, Marseille, et Lyon, gérés par FR3.
De décembre 1974 à juin 1975, 2702 agents sont licenciés en raison du plan de refonte et d'économie. LE 4 janvier 1975, les logos du bâtiment parisien de l'ORTF, situé rue Cognac-Jay, sont démontés de la façade.
Avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, le monopole d'Etat pour la radio est quasiment aussitôt supprimé. Il sera également supprimé un an plus tard, en 1982, pour les chaînes de télévision. La première chaîne de télévision privée, Canal +, n'arrivera qu'en 1984.