Musique ancienne : reste-t-il encore (vraiment) des choses à découvrir ?

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Musique ancienne : reste-t-il encore (vraiment) des choses à découvrir ?

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Hippolyte et Aricie de Rameau, ici dans la mise en scène d'Ivan Alexandre en 2012 à l'Opéra national de Paris
Hippolyte et Aricie de Rameau, ici dans la mise en scène d'Ivan Alexandre en 2012 à l'Opéra national de Paris
© Getty

Chaque année, le printemps signe le retour des beaux jours, et de la journée de la musique ancienne. Quelques décennies après l'explosion baroque, on s'est posé la question : reste-t-il encore vraiment des chefs-d'oeuvre à (re)découvrir ?

Il y a un peu plus de quarante ans, une vague de musiciens se taillait une place de choix dans le paysage musical en imposant peu à peu la redécouverte d’œuvres oubliées sur instruments d'époque, dans une démarche historique. Ils s'appelaient Jean-Claude Malgoire, Nikolaus Harnoncourt, Gustav Leonhardt, et ont ouvert la voie aux William Christie, Jordi Savall, Philippe Herreweghe, René Jacobs, Hervé Niquet...

Tous ont contribué à inscrire sur les affiches des salles de spectacles et des festivals des compositeurs et des œuvres au mieux méconnus, au pire complètement oubliés. Ce travail de recherche minutieux a donné (re)naissance à bon nombre de chefs-d'oeuvre : Atys, Armide, Les Indes Galantes, Hippolyte et Aricie, Alcyone... La liste est interminable, elle comprend aussi bien l'opéra que la musique instrumentale, la France et l'Europe entière. 

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Après tant d'années de recherche, et tant de découvertes, reste-t-il encore des pépites ? 

Un nouvel Atys ? « Tout le monde en rêve, mais tout le monde sait que ce n'est plus possible »

Nicolas Bucher ne laissera pas planer le doute. Directeur du Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV) depuis mars 2018, son discours est pragmatique : « Avant de découvrir quelque chose, on ne sait pas qu'elle existe. Donc partir du postulat qu'il n'y a plus rien à découvrir, c'est dire qu'on a déjà tout redécouvert. C'est un postulat idiot. Ça ne veut pas dire pour autant que tout ce qu'on va redécouvrir est d'un intérêt folichon ». Pour l'ancien organiste de Saint-Séverin : « c'est une mythologie qui nous construit tous. Atys, Alceste, Malgoire... toute cette période, il vaut mieux la ranger dans les bons souvenirs et regarder ce que notre époque a à nous offrir ». 

Car ce n'est pas parce qu'il n'y a plus d'Atys ou d'Indes Galantes en stock que l'on doit arrêter de chercher. Hervé Niquet donne le 1er avril prochain Armide une nouvelle version, de 1778, dont la partition a été travaillée par le CMBV. Pour le fondateur du Concert Spirituel, « On a lu 5% de ce qu'il y a à la Bibliothèque nationale de France. Et c'est juste pour la France, alors je pense qu'en Italie, qui est si riche, en Espagne, où rien n'a été systématiquement exploré, il doit y avoir beaucoup de choses à trouver ». 

J'ai dépassé les 60 ans, je ne vais pas encore faire une carrière de 50 ans, donc je suis en train de faire une pile de tout ce que je ne ferai jamais. J'ai déjà une cinquantaine d'opéras. A peu près 100 grands motets français, et c'est une infime partie de ce qu'il y a encore à lire..

Ce projet autour d'Armide permettra de découvrir une oeuvre nouvelle, une version entièrement remaniée de l'opéra de Lully qui n'a jamais vu le jour à cause de Gluck et de "son" Armide sortie un an plus tôt_._ Dans le même temps, il s'agit d'un nom d'oeuvre et d'un compositeur connus, plus propices à attirer du public. Car monter des œuvres inconnues représente évidement un risque. « La prise de risque, c'est une espèce de patate chaude que tout le monde se refile, juge Nicolas Bucher, le diffuseur dit "le public n'achète pas de billets", l'artiste dit "le diffuseur refuse mes propositions" et quand le CMBV propose un titre, on nous répond "jamais personne n'en voudra" ». Alors pour faciliter le travail, Nicolas Bucher essaye de mettre tout le monde autour de la table pour monter des projets. 

D'autres abordent la question autrement. Florence Bolton sort avec Benjamin Perrot un disque intitulé London - circa 1700 qui présente Purcell et ses contemporains. Pour elle, « on continue à découvrir, mais il faut offrir un autre regard » sur les œuvres défrichées. « le nom de Purcell est connu mais l'important, c'est de faire connaître d'autres musiciens très populaires à la même époque, mais il est difficile de faire aujourd’hui une intégrale William Croft. Trouver des thématiques donne l'image d'une époque, et pas seulement d'un compositeur, qui n'est pas forcément représentatif de toute une époque ». 

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