Natacha Kudritskaya : "Il fallait absolument se mobiliser, dépasser la sidération"

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Natacha Kudritskaya : "Il fallait absolument se mobiliser, dépasser la sidération"

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Le père et le frère de Natacha Kudritskaya, notamment, sont toujours en Ukraine
Le père et le frère de Natacha Kudritskaya, notamment, sont toujours en Ukraine
- Compte Facebook de Natacha Kudritskaya

La pianiste ukrainienne s'est confiée ce vendredi matin au micro de France Musique. Elle est inquiète pour ses proches, pour son pays, mais aussi déterminée à agir à son échelle, avec d'autres artistes.

Après l'heure de la sidération, le temps de la solidarité. C'est le message fort qu'a souhaité faire passer ce vendredi matin Natacha Kudritskaya au micro de Jean-Baptiste Urbain. D'autant plus que la pianiste ukrainienne et sa famille, qui réside à Kiev, sont concernés au premier chef par le conflit. Le cauchemar a débuté jeudi dernier : "Mes proches étaient pris au dépourvu, comme tout le monde. Ils se sont retrouvés à 5h du matin à chercher un bunker. Il y en avait en face de ma maison, un abri anti-bombardement, sur lequel j’ai joué à peu près toute mon enfance. Jamais on n'aurait pu imaginer qu’il allait nous servir." La famille de la musicienne a ainsi passé les cinq derniers jours cachée à l'intérieur, "dont trois où ils ne pouvaient même pas sortir pour aller acheter à manger ou aller aux toilettes. Je ne parle pas de la ville entière qui a quasiment dormi dans le métro."

Vous pouvez imaginer les enfants qui naissent dans le métro, les sous-sol les abris anti bombardements, c’est le quotidien en ce moment.

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"Mon frère ne peut pas quitter le pays, il est réserviste"

Avant-hier, le soulagement : la mère de Natacha Kudritskaya a réussi à quitter l'Ukraine. "C’était un parcours du combattant, pour ma maman qui d’habitude a peur de prendre un avion de Kiev à Paris. Là elle a réussi à monter dans le train et à passer la frontière grâce aux nombreux volontaires mobilisés", relate la pianiste. "Mon frère étant mobilisé, il ne peut évidemment pas quitter le pays, il est réserviste. J'espère que sa famille va prendre une décision et me rejoindre. Mon père ce n’est même pas la peine d’en parler : il ne quittera pas l’Ukraine."

Je suis née en Russie, en Oural. J’ai vécu à Kiev depuis l’âge de 3 ans. Je suis Ukrainienne, mon père est ukrainien, ma mère tatare. On est tous mélangé et on a des liens avec tout le monde, ce conflit est d’autant plus aberrant. Il est monté de toute pièce par la mégalomanie d’un seul personnage, c’est extrêmement triste."

"Après un moment de sidération totale, j’avoue que pendant un ou deux jours on n’a pas dormi, on avait les yeux rivés sur les écrans pour essayer de comprendre, d’analyser ce qu’il se passait, ce que Poutine voulait, jusqu’où il voulait aller", poursuit Natacha Kudritskaya, en contact permanent avec ses proches. "Et quand les gens ont commencé à me parler de concerts, je me suis dit 'qu’est-ce que ça va changer ? Ça ne sert à rien.' "

Le temps de l'entraide

Puis est venu le moment d'agir. "Je me suis dit qu’il fallait absolument se mobiliser, dépasser notre sidération." Elle et d'autres artistes se sont ainsi coordonnés avec le Festival Musiq3, à Bruxelles, qui possède déjà une structure importante d’accueil des familles, notamment grâce au concours Reine Élisabeth : "Ils proposent donc de recevoir les familles de musiciens qui vont fuir, un accueil, la prise en charge médicale, éventuellement la réinsertion et le travail si la situation tourne vraiment mal et qu’ils n’ont plus d’endroit ou revenir."

Natacha Kudritskaya annonce aussi la mise en place d'une plateforme en ligne pour la récolte de dons, et l'organisation de concerts. "Nous allons notamment donner un concert au Petit Palais à Paris, en partenariat avec les Jeunes Talents. Les musiciens ont tout de suite répondu à l’appel : Anne Queffélec , Gaspard Dehaene, Thomas Enhco, Deborah Nemtanu, Adam Laloum…" Le concert aura lieu à 15h, le 27 mars prochain, et tous les dons seront versés à la Fondation Roi Baudouin, à Bruxelles.