Nino Rota : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur de musiques de films
De « La Dolce Vita » au « Parrain », la musique de Giovanni « Nino » Rota Rinaldi a incontestablement marqué l’histoire du cinéma. Voici 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le célèbre compositeur.
Né à Milan le 3 décembre 1911, Nino Rota est un nom incontournable de la musique pour le cinéma. En presque 40 ans de carrière, il signe plus de 150 bandes originales dont certaines devenues légendaires dans l'histoire du septième art. Mais il serait dommage de s'en arrêter là ! Nino Rota fut également un prodige précoce de la musique et un pédagogue admiré. Voici 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le célèbre compositeur.
Nino Rota, le « Mozart italien »
Les talents musicaux de Nino Rota ne sont pas tombés du ciel. Issu d’une grande famille de musiciens et mélomanes, son grand-père Giovanni Rinaldi est lui-même un compositeur célébré de son vivant, et un ami de Giuseppe Verdi. La famille Rinaldi organise régulièrement des soirées musicales, avec des invités de prestige dont Puccini, Leoncavallo, Ravel, Stravinsky, Toscanini, Pizzetti et Casella.
Nino est donc entouré par la musique dès son plus jeune âge, et nul n’est surpris de voir apparaitre les talents du jeune musicien avant même son dixième anniversaire. Son premier oratorio, L’infanzia di San Giovanni Battista, est créé à Milan le 22 avril 1923 : Nino Rota n’a alors que 12 ans. Deux ans plus tard, il compose son opérette Il Principe porcaro ainsi qu’un concerto pour violoncelle. A 15 ans, il compose son premier opéra Il Cappello di paglio di Firenze.
Les talents de Nino Rota suscitent l’admiration du pays entier et le jeune génie se verra rapidement surnommé « le nouveau Mozart » par le journal quotidien Il Mattino et « le Mozart du XXe siècle » par le New York Times.
Prodige, compositeur et pédagogue
En 1937, Nino Rota termine sa thèse sur le musicologue italien du XVIe siècle Gioseffo Zarlino. Il se voit alors nommé à la chaire de théorie et de solfège au Liceo Musicale de Tarante. Il rejoint ensuite le Conservatoire de Bari en tant que professeur d’harmonie, de contrepoint et de composition et finalement devient directeur de l’établissement en 1950, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1979.
Pendant presque 30 ans, Nino Rota jongle ainsi deux carrières fructueuses : compositeur et pédagogue. Tout en marquant l’histoire du cinéma à travers sa musique, il marque également plusieurs générations de jeunes étudiants, dont un chef d’orchestre en herbe : Riccardo Muti. Ce dernier rendra hommage à son professeur, lorsqu’il enregistre en 1994 un album consacré à la musique de film de Nino Rota.
Un compositeur de musique pour le cinéma, mais pas que !
On connait surtout Nino Rota pour ses nombreuses bandes originales qui ont marquées l’histoire du cinéma, mais on ignore souvent Nino Rota le compositeur de nombreuses œuvres lyriques et pour orchestre. Pourtant, il signe au cours de sa carrière dix opéras, 23 œuvres scéniques et ballets, trois symphonies, 12 œuvres concertantes et de nombreuses compositions pour ensembles vocaux et de chambre.
Malgré cette production prolifique, Nino Rota sera largement écarté de la scène musicale par l’avant-garde musicale italienne, pour raison de son association au monde frivole du cinéma. Sa musique fut longtemps ignorée, éclipsée par ses bandes originales de cinéma au succès international.
Un départ douteux…
Dès les années 1940, Nino Rota devient l’un des compositeurs de cinéma les plus prolifiques de sa génération. Il compose en moyenne trois bandes originales par an, mais ce rythme dépasse les 10 films par ans dans les années 1950. Il signera au total plus de 170 bandes originales pour les plus grands réalisateurs de l’époque, dont Federico Fellini (La Strada, Huit et demi, La Dolce Vita), Franco Zeffirelli (Roméo et Juliette), Luchino Visconti (Le Guépard, Rocco et ses frères), et Francis Ford Coppola (Le Parrain). Mais les premiers pas de Nino Rota dans le monde du cinéma ne laissent pas deviner le succès international qui l’attend.
En difficulté financière au début des années 1930, il accepte en 1933 l’invitation d’écrire la musique pour le film de Raffaello Matarazzo, Treno poplare, une série de vignettes à bord d'un train. La musique de Rota est composée de simples chansons et de petites marches écrites dans un style en phase avec le climat politique et social présenté dans le film. Cependant, le film est un échec total. L'expérience bouleverse profondément Nino. A peine lancé, le compositeur craint que sa carrière dans le cinéma soit déjà terminée. Il se retire ainsi du monde du cinéma pendant pas moins de neuf ans, et se consacre à sa thèse et à la composition d’œuvres plus sérieuses.
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Rota et Fellini, une collaboration unique
Une fois sa carrière en tant que compositeur de bandes originales pleinement lancée, Nino Rota enchaine les collaborations au cours des années 1940. Mais c’est en 1952 qu’il fait la rencontre décisive du réalisateur Federico Fellini aux studios de la Cinecittà à Rome. Leur collaboration commence en 1952 avec Le Cheik blanc et se poursuit à toute vitesse avec de nombreux films dont I vitelloni, La strada, Il bidone, Les nuits de Cabiria, La Dolce vita, Les Tentations du docteur Antoine, Huit et demi, Juliette des esprits, Satyricon, Fellini Roma, I Clowns, Roma, Amarcord, Les Casanova de Fellini, Prova d’orchestra, ainsi que plusieurs téléfilm documentaires.
Mais au-delà d’une simple collaboration fructueuse, Nino Rota est pour Fellini un "ange gardien", comme l’explique le réalisateur lors d’une interview télévisée en mars 1982. Sa connaissance musicale limitée, Fellini cède ainsi à son compositeur tout contrôle créatif de la musique de ses films. Le réalisateur demande parfois même à Rota de composer sa musique avant d’avoir tourné les images, en suggérant simplement un sentiment ou une situation, afin qu’il puisse l’écouter pendant le tournage et s’y inspirer.
« Le Parrain », par Mancini ?
La bande originale de Nino Rota pour le film Le Parrain (1972) fait encore de nos jours partie des bandes originales les plus marquantes de l'histoire du cinéma. Pourtant, ce dernier a failli refuser le projet ! Il estime avoir déjà fait ses preuves au cinéma, et il est très occupé en tant que professeur de musique : Nino Rota n’a pas le temps de se lancer dans un nouveau projet cinématographique, d’autant plus avec Francis Ford Coppola, réalisateur encore peu connu.
Mais ce dernier souhaite absolument que la musique de son prochain film soit composée par le grand Nino Rota. Il se déplace jusqu’à Rome pour rendre visite au compositeur et supplier ce dernier de rejoindre son projet pour créer un pastiche musical qui évoque la Sicile et la nostalgie de sa culture.
De l’autre côté de l’Atlantique, le producteur Robert Evans et le studio Paramount entendent une autre musique. Une musique américaine et plus légère, capable de contrebalancer la violence et l’atmosphère sombre du film. Pour eux, il n’y aurait qu’un seul choix : Henry Mancini ! S’il est difficile d’imaginer ce à quoi ressemblerait Le Parrain composé par l’auteur de La Panthère rose, Peter Gunn et Diamants sur canapé, on peut se contenter d’un arrangement par Mancini en 1991 du célèbre thème de Rota :
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Disqualifié des Oscars… pour plagiat
Arrive en 1973 la consécration majeure pour tout compositeur de musique de film : la bande originale de Nino Rota pour Le Parrain est nommée aux Oscars pour la meilleure musique de film de l’année. L’honneur ne surprend personne, car la musique de Nino Rota fait l’unanimité quant à sa façon d’illustrer l’esprit mafieux italo-américain du film. Mais à la surprise générale, Nino Rota est rapidement disqualifié des Oscars pour un détail non des moindres. Il est accusé d’avoir plagié la bande originale d'un autre film, Fortunella d’Eduardo de Filippo, réalisé en 1958.
Mais un détail coince : le compositeur de la musique de Fortunella n’est autre que Nino Rota ! L’auto-plagiat est-il un crime ? Aux yeux du jury des Oscars, il n’y a aucun doute : la musique du Parrain n’est pas une œuvre 100% originale, et ne peut donc être considérée. Cette injustice sera corrigée l’an suivant lorsque Nino Rota reçoit l’Oscar de la meilleure bande originale pour Le Parrain II. Ironie, le film reprend bon nombre des thèmes du premier film, et les thèmes « originaux » sont en réalité des reprises d’œuvres précédentes, dont le célèbre thème « The Immigrant », partiellement inspiré de la quatrième de ses 15 Preludes pour piano.
Mais le plagiat en musique n’existe pas, selon Nino !
La disqualification aux Oscars de Nino Rota pour plagiat n’est pas une histoire sans fond. En effet, tout au long de sa carrière le compositeur a non seulement réutilisé son propre matériel mais également celui de nombreux compositeurs. Si la « Valzer brilante » entendue dans Le Guépard de Visconti nous semble familière, c’est normal. Le thème est en réalité un arrangement de la Valse pour piano en fa majeur de Giuseppe Verdi (1859), fidèlement retranscrite afin de rester dans l’esprit de l’époque dans laquelle se déroule le film.
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Que personne n’accuse Nino Rota de plagiat ! « Je suis absolument convaincu qu'il n'y a pas de plagiat en musique. Il y a du matériel musical à disposition : si on le prend et se l'approprie, il y a néanmoins la gratitude qu'un nouvel auteur doit à l'ancien, mais quoi de plus beau entre nous musiciens ? » Il n’est donc pas question de plagiat, mais de pastiche, d’inspiration libre entre compositeurs. On trouve ainsi régulièrement trace dans la musique de Nino Rota des plus grandes figures de la musique, dont Bach, Stravinsky et même Kurt Weill.
Une musique de film facile à écrire, à entendre… et à oublier
Au sommet de sa carrière, Nino Rota est l’un des compositeurs de musique de film les plus célébrés et désirables de son époque. Sa musique est souvent autant applaudie que le film qu’elle accompagne. Mais cela n’empêche pas Rota de se faire régulièrement critiqué. On reproche notamment au célèbre compositeur d’écrire une musique facile et trop mélodieuse pour être prise au sérieux.
Mais c’est exactement cette qualité qui rend la musique de Nino Rota aussi efficace. Une bonne musique de film est celle que l’on peut entendre et immédiatement reconnaitre, mais également immédiatement oublier. La reconnaissance immédiate et la discrétion, deux qualités vraisemblablement opposées que Nino Rota a su réunir avec aisance : « Ma musique semble facile et beaucoup de gens disent qu’ils ont l’impression de ‘déjà la connaître’, mais finalement personne ne s’en souvient car les notes disparaissent devant eux », commente-t-il.
Le roi du cinéma malgré lui
Nul ne pourrait contester que Nino Rota mérite sa place au panthéon des compositeurs de cinéma. Mais il semblerait que ce dernier fut tout sauf intéressé par le septième art ! En effet, selon une confidence de Michel Legrand, le grand compositeur italien portait très peu d'attention au cinéma, art dans lequel sa musique crevait l'écran.
Un manque d'intérêt vraisemblablement confirmé par Federico Fellini, qui affirmait : « Chaque fois que Nino assiste à une projection de travail, il s’endort ! »