Opéra de Paris : mécénat et abonnements en chute libre
Par Victor Tribot LaspièreAuditionnés par la commission de la culture au Sénat, Stéphane Lissner et Martin Ajdari, le duo qui dirige l'Opéra de Paris, sont revenus sur les grandes difficultés que traverse la maison lyrique. Les financements provenant du mécénat et des abonnements sont en chute libre.
L'Opéra de Paris, secoué depuis des mois par une succession de crises, a enregistré une baisse du tiers des recettes du mécénat et jusqu'à 45% des abonnements pour la saison 2020-2021, ont affirmé Stéphane Lissner et Martin Ajdari, le duo qui dirige l'institution. "On est entre 35 et 45% de perte d'abonnements pour la saison 2020-2021. Est-ce que qu'on va la récupérer ? Je pense que c'est peu probable", a déclaré le directeur sortant Stéphane Lissner.
Il était auditionné avec le directeur-adjoint Martin Ajdari par la commission en charge de la culture au Sénat. Une grève historique en décembre et janvier contre la réforme des régimes spéciaux de retraite - dont l'Opéra est le seul à bénéficier dans le monde de la culture avec la Comédie-Française -, puis l'épidémie du coronavirus ont provoqué des pertes de billetterie de l'ordre de 45 millions d'euros. En plus, "il y a à peu près un tiers des recettes du mécénat qui vont diminuer en 2020", a indiqué Martin Ajdari. A noter que le financement public de l'Opéra de Paris est passé sous la barre des 50% et que l'institution n'a pas pu bénéficier des mesures de chômage partiel.
Les entreprises, notamment moyennes, "hésitent à investir au moment où elles doivent demander des efforts et des sacrifices à leurs salariés" à la suite de la pandémie. "On a de grands partenaires historiques qui restent fidèles, mais il y a tout un ensemble de donateurs, de mécènes intermédiaires qui ont tendance à se replier donc on ne pourra pas tabler sur ces recettes", a encore ajouté le directeur-adjoint. Stéphane Lissner qui, depuis son arrivée à la tête de l'Opéra en 2015, a fait plus que doubler le mécénat (de 9 à 19 millions d'euros en 2020) a aussi évoqué le défi de récupérer le public dans un contexte complexe post-grèves et post-Covid. "Les grèves ont énormément choqué une partie du public et une partie des abonnés; on a eu des réactions de mécènes ou d'abonnés qui sont extrêmement fâchés de ce qui s'est passé", a précisé le directeur général.
Il plaide d'ailleurs pour une baisse des prix des places à l'Opéra, "seul espoir de reconquérir un public" selon lui. "Tout le monde sait que 220, 240 euros (prix maximum actuel, ndlr) sont des sommes énormes. C'est donc réservé à une toute petite élite. C'est un handicap pour l'Opéra de Paris, c'est un handicap pour le futur" a déclaré Stéphane Lissner qui estime qu'il faudrait diviser le prix des places par deux, à hauteur de 100 ou 120 euros maximum. "J’ai fait des propositions en conseil d’administration mais Bercy s’est opposé catégoriquement à des propositions de baisse de prix parce que l’équilibre budgétaire passe par une augmentation sans cesse des recettes" a-t-il regretté_. _
L'Opéra de Paris, la plus grande maison d'opéra d'Europe en termes de places avec le palais Garnier et l'Opéra Bastille, est financé à 40% par l'Etat et à 60% par ses recettes propres. Il s'agit de la scène la plus subventionnée de France (95 millions d'euros de l'État pour un budget de 230 millions). "Le modèle de l'Opéra (...) ne supportera pas dans le futur des crises sociales, des crises sanitaires", a prévenu M. Lissner, qui a décidé de quitter son poste dès la fin de l'année, et non comme prévu initialement à l'été 2021, pour être remplacé par Alexander Neef.
Avec AFP