Picasso et la danse, des ballets russes aux bacchanales

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Picasso et la danse, des ballets russes aux bacchanales

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Pablo Picasso, Projet pour le rideau de scène du ballet Parade (Musée national Picasso-Paris)
Pablo Picasso, Projet pour le rideau de scène du ballet Parade (Musée national Picasso-Paris)
- ©Succession Picasso 2018

Toute sa vie, Picasso a entretenu un lien étroit avec la danse. L’Opéra Garnier, à Paris, retrace dans une exposition cette filiation, depuis les collaborations avec les ballets russes jusqu’aux peintures de danseurs.

Quand on évoque Picasso, on pense naturellement au cubisme, à Guernica et aux Demoiselles d’Avignon, sans doute un peu moins à son rapport à la danse. C’est ce lien plus méconnu, et pourtant intime et puissant, que souligne la Bibliothèque nationale de France et l’Opéra national de Paris dans une exposition Picasso et la Danse qui se tient jusqu’au 16 septembre au Palais Garnier. 

Picasso et la danse, c’est une histoire à plusieurs facettes, qui mêle amour - sa première femme, Olga Khokhlova, appartenait à la troupe des Ballets russes - rencontres amicales, et expériences artistiques. Si le célèbre cubiste intervient dans dix ballets, quatre productions majeures sont à retenir, toutes réalisées entre 1917 et 1924.

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Picasso et les Ballets russes 

Dès ses plus jeunes années, Picasso s’intéresse à la représentation des corps en mouvement, mais sa rencontre avec le monde de la danse intervient en 1916. Alors que Jean Cocteau commence à travailler sur son ballet Parade avec le compositeur Erik Satie, il fait la rencontre de Picasso. Serge Diaghilev, l’impresario des Ballets russes, commande à Cocteau un ballet étonnant, et l’auteur compte sur le peintre pour marquer les esprits. 

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Pour sa première collaboration avec les Ballets russes, Picasso réalise décors et costumes, mais ses réalisations le poussent très vite à prendre une place plus importante. L’artiste influence non seulement l’argument de Cocteau en y ajoutant des personnages, mais aussi la chorégraphie de Léonide Massine avec ses grands costumes cubistes en carton. Le chorégraphe est particulièrement conciliant avec Picasso, et c’est sans doute la raison pour laquelle ce dernier collabore avec lui pour trois autres ballets : le Tricorne (1919), Pulcinella (1920) et Mercure (1924).

Autour de Diaghilev, les Ballets russes offrent à Picasso des rencontres : Massine, Cocteau, mais aussi Igor Stravinsky, avec qui le peintre collabore pour Pulcinella, et surtout Olga Khokhlova, sa première épouse. Membre de la compagnie de Diaghilev, la danseuse fait la rencontre de Picasso pendant une représentation de Parade, en 1917, et l’épouse un an plus tard. Elle sera une source d’inspiration importante pour le peintre.  

Cette période de collaborations chorégraphiques offre à Picasso de nouveaux champs d’expérimentation, comme le souligne le commissaire de l’exposition Picasso et la danse, Bérenger Hainaut : « Picasso dessinait, peignait des danseuses de cabarets avant les ballets, mais ses études de mouvements dansés typiques du ballet ne commencent que dans le cadre des Ballets russes. Au delà de ça, Picasso est quelqu’un qui a dansé toute sa vie. De la même façon qu’aujourd’hui on va en boîte de nuit, lui se rend dans les bals, danse avec ses amis… Enfin, au cours des années 1917-1920, Picasso travaille la technique du trait continu, et parfait cette utilisation d’un geste unique ». 

Corps dansants sous le pinceau de Picasso

Si la période 1917-1924 influence l’univers pictural de Picasso, la danse est néanmoins présente tout au long de sa carrière d’artiste. A 15 ans, alors qu’il s’installe à Barcelone, le jeune homme tombe amoureux d’une danseuse à cheval, Rosita del Oro, qui devient un thème récurrent dans ses productions. Pour Bérenger Hainaut, la danseuse à cheval est même l’un des archétypes de Picasso, au même titre que l’Arlequin ou le Minotaure : « A partir de 1905, début de la période rose, on voit la figure de la danseuse à cheval - très présente dans les années du premier Picasso -  réapparaître régulièrement, on la trouve justement sur le rideau de Parade en 1917 ».   

Pablo Picasso, Faunes et chèvres, 1959 - BnF, Estampes et photographie
Pablo Picasso, Faunes et chèvres, 1959 - BnF, Estampes et photographie
- ©Succession Picasso 2018

Charnières, les années 1920 voient le style de Picasso évoluer, comme ses peintures de danses, à l’image de La danse villageoise (1922) et des Trois danseuses (1925) pour s’orienter progressivement vers les thèmes dionysiaques des années 1940. Entre ces deux dates, Picasso a rompu avec l’univers des ballets après sa séparation avec Olga Khokhlova (1935). La Libération et la joie de l’Après-Guerre voient se multiplier les corps dansants sous forme de centaures et de faunes.

Au delà des peintures, c’est le geste-même de Picasso qui se fait danse, comme le souligne Bérenger Hainaut : « En 1949, le photographe Gjon Mili lui propose de faire du Light Painting : Mili donne à Picasso un crayon et lui dit : “Je vais ouvrir l’objectif de mon appareil, tant que mon objectif est ouvert, tu dessines”. Ensuite, le trajet du pinceau lumineux est capté par la photo. Ce qui est intéressant, c’est que d’autres auraient dessiné sur un plan, or Picasso déplace son tracé dans une sphère, ce qu’on pourrait mettre en parallèle avec certaines théories de la danse à cette époque. Avec Mili, son rapport au geste est analogique à ceux des danseurs et des chorégraphes. Il va inscrire son geste dans l’espace, en un seul mouvement, engager son corps éphémère dont on ne conserve la trace que par le travail photographique de Gjon Mili, qui pourrait presque s’apparenter à une sorte de notation chorégraphique élémentaire...  »

Picasso dessinant au pinceau lumineux pour le photographe Gjon Mili
Picasso dessinant au pinceau lumineux pour le photographe Gjon Mili
© Getty
  • Pour en savoir plus : 

Picasso et la danse, exposition organisée par la Bibliothèque national de France et l’Opéra national de Paris, jusqu’au 16 septembre 2018 au Palais Garnier. 

Picasso et la danse, catalogue de l’exposition sous la direction de Bérenger Hainaut et Inès Piovesan, BnF Editions