Paname s'encanaille avec Mistinguett en chantant les bons mots d'Albert Willemetz et Maurice Yvain. Mais c'est au Boeuf sur le toit qu'il faut terminer la nuit avec Jean Cocteau et Erik Satie !
Programmation musicale
Avril 1919, théâtre du Châtelet. Ce soir là, Alfred Cortot joue le quatrième concerto de Beethoven. Est donné aussi Rédemption, de César Franck. C’est un concert de recueillement et de deuil… en hommage aux victimes du bombardement par l’artillerie allemande de l’église Saint-Gervais, le 29 mars 1918.
Une compositrice et cheffe d’orchestre âgée de 32 ans est présente au Châtelet, ce soir. Elle s’appelle Nadia Boulanger.
César Franck
Rédemption (introduction)
Orchestre Philharmonique Royal de Liège
Direction : Hervé Niquet
Raoul Pugno
Valse lente
Raoul Pugno, piano
Nadia Boulanger porte le deuil de sa petite soeur, la compositrice Lili Boulanger, qui est morte à l’âge de 24 ans, le 15 mars 1918, dix jours avant Claude Debussy. La jeune Lili, avait eu le temps de dicter à sa soeur aîné ce Pie Jesu.
Lili Boulanger
Pie Jesu
Janet Price, soprano
Hugh Bean et Trevor Connor, violons
John Cooling, alto
Alan Dalziel, violoncelle
Sidonie Goosens, harpe
Simon Preston, orgue
Francis Poulenc
Les Biches (rondeau)
Orchestre National de France
Direction : Charles Dutoit
Tout comme Nadia Boulanger, le compositeur Maurice Ravel se remet difficilement de la Der des Ders. Il s’est porté volontaire en mars 1916. L’armée l’a incorporé malgré sa petite taille et sa constitution frêle, et l’a envoyé sur le front comme conducteur d’un camion. Il a été témoin des horreurs de Verdun. Un an plus tard, sa mère bien aimée, Marie Ravel, décède. Le musicien dandy tombe malade. Son moral, sa condition physique, sont au plus bas.
Maurice Ravel
La Valse
Orchestre Les Siècles
Direction : François-Xavier Roth
A Paris, la vie a repris son cours. La chanson réaliste vit ses grandes heures, dans la rue, dans les cafés… Ce sont des femmes surtout, qui l’incarnent. Les plus illustres, les plus emblématiques de ces chanteuses se nomment Fréhel et Damia.
Des Moulins
La Valse des coups de pieds au...boum
Fréhel, chant
Pierre Larrieu
La Rue de la joie
Damia, chant
Pierre Larrieu
Hantise
Damia, chant
Leo Daniderff
La Chaine
Damia, chant
Dans les rues de Paris, ce qui attire l’oeil ce sont les affiches de music hall. Ces affiches séduisent le badaud, et l’entraînent jusqu’au Casino de Paris, au Palace ou au Moulin Rouge. Dans ces revues, se succèdent des attractions avec clowns et acrobates entre deux pas dansés et numéros de chant, c’est la course au divertissement, la promesse de l’ivresse, sans message ni intrigue, ce n’est pas le but recherché.
Aux Folies Bergères, le client est happé par les fantasmagoriques tableaux d’une jeune femme brune, aux jambes joliment galbées et aux grandes plumes attachées sur la tête : c’est Mistinguett.
Paul Lincke
La Marche des Folies Bergères
Orchestre des bals de l'Opéra
Direction : Auguste Bosc
José Padilla
Ca c'est Paris
Mistinguett, chant
Maurice Yvain
Une Femme qui passe
Mistinguett, chant
Orchestre One Step en duo avec André Randall
José Padilla
Valencia
Mistinguett, chant
Raoul Moretti
New Charleston
Miami Dance Orchestra
L’engouement pour le music-hall est tel que tout Paris se met à danser les pas à la mode : le one Step, le lindy hop, le tango, le shimmy, le charleston, le blackbottom, le java, le jitterbug… les couples chaloupent, des guingettes de Nogent au dancing des Champs-Elysées ; les ouvriers, les industriels, les rentiers et les artistes se trémoussent tous les jours, dimanche compris.
Maurice Yvain
Mon Homme
Sydney Bechett, saxophone soprano
Charlie Lewis, piano
Pierre Michelot, contrebasse
Kenny Clarke, batterie
Parmi tous les chansonniers qui font les succès de Mistinguett, il y a trois hommes en particulier : Jacques Charles, Albert Willemetz et Maurice Yvain…
Maurice Yvain
La Java
Mistinguett, chant
Maurice Yvain
Ta Bouche (ouverture - Petit amant)
André Messager
L'Amour masqué : j'ai deux amants Yvonne Printemps, chant
Sacha Guitry, voix
Orchestre sous la direction de Marcel Cariven
Les succès de Sacha Guitry et Yvonne Printemps, les opérettes de Maurice Yvain et Albert Willemetz, mais aussi celles de Reynaldo Hahn, comme Ciboulette, font salle comble dans les petits théâtres. Mais s’il existe UN lieu mondain, un lieu où se montrer à Paris, c’est au Boeuf sur le Toit.
Jean Wiener
I want to be happy
Jean Cocteau, voix
Jean Wiener, piano
Germaine Tailleferre
Arabesque
Davide Bandieri, clarinette
Guillaume Hesperger, piano
Eric Satie
Portrait de Socrate
Jean-Paul Fouchécourt, ténor
Ensemble Erwartung
Direction : Bernard Desgraupes
Jean Wiéner
Le Boeuf sur le toit
Wiener et Doucet, piano
Au Boeuf sur le Toit, autour du bar acajou surmonté de l’énigmatique tableau de Picabia « L’oeil cacodylate », on est à peu près certain de rencontrer des représentants des milieux littéraires, artistes et mondain de la capitale, faune très Rive Droite, faune un peu snob, mais sans pause et authentiquement exempte de tout conformisme, décrit l’historien Jacques Chastenet. Clément Doucet et Jean Wiéner, célèbre duo de pianistes, sont au clavier.
C’est quotidiennement au Boeuf sur le Toit que le groupe des Six a pignon sur rue, et le café a d’ailleurs pris le nom de la musique de Darius Milhaud créée au Théâtre des Champs Elysées en 1920.
Darius Milhaud
Cinéma Fantaisie op.58 b / d'après la musique de ballet "Le Boeuf sur le toit op.58"
Renaud Capuçon, violon
Philharmonie de Chambre Allemande de Brême
Direction : Daniel Harding
Groupe des six
Les Mariés de la Tour Eiffel
Orchestre National de l'ORTF
Direction : Darius Milhaud
Arthur Honegger
Pacific 231
Orchestre du Capitole de Toulouse
Direction : Michel Plasson
Le groupe des Six nourrit une immense admiration pour Igor Stravinsky, "ce soleil qui les aveugle", comme le dit Francis Poulenc. Le maître russe vit alors sur la côte basque, voyage à l’international, et se rend de temps en temps à Paris, notamment à l’Opéra Garnier où il crée Renard et Mavra en 1922. Cette représentation est loin d’être un succès, et même pire, c’est un échec sans scandale. Le temps du Sacre est bien révolu.
Au début des années 20, c’est surtout son Octuor qui fait date : il est exécuté en public pour la première fois à l’Opéra de Paris, sous la direction du compositeur russe, lors d’un concert organisé par Serge Koussevitzky.
Igor Stravinsky
Octuor (finale)
Sinfonietta de Londres
Direction : Esa Pekka Salonen
L’autre influence de ces années 20 sur la jeune génération, est celle d’ Erik Satie, qu’ils surnomment affectueusement leur « bon maître ». La musique du « bon maître » était fréquemment jouée avec avec celle de ces « nouveaux jeunes », comme en témoigne par exemple ce concert du 21 février 1920, un mois après le baptême des Six. Au programme, le « Boeuf sur le Toit » de Darius Milhaud, les « Trois petites pièces montées » de Satie récemment composées, les « Cocardes » de Poulenc et « Adieu, New York » de Georges Auric.
Eric Satie
Morceaux en forme de poire
Aldo Ciccolini, piano
Eric Satie
Musique d'ameublement : tapisserie en fer forgé
Ensemble Ars Nova
Direction : Marius Constant
Alors qu’il séjourne dans le pays du Vivarais, Maurice Ravel apprend la nouvelle de sa nomination à la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Le compositeur ne prend même pas la peine de répondre. Il assure à une amie qu’il n’a rien sollicité, qu’il est interloqué. Quel fonctionnaire, quel politicien a pu imaginer l’honorer par cette distinction ? Rares étaient les combattants à l’avoir reçu.
Maurice Ravel en quête de tranquillité s'installe en janvier 1921 à Monfort-l’Amaury à 45km de Paris.
Fini les errances d’un lieu à l’autre, fini la frénésie parisienne, il a ici un potager orné de quatre tilleuls et d’un verger attenant. Il peut replonger dans son enfance et ses sortilèges, peupler son intérieur de boîtes à musique et de jouets à ressort ...
Maurice Ravel
Sonate pour violon et violoncelle (allegro)
Raphael Oleg, violon
Sonia Wieder Atherton, violoncelle
Maurice Ravel
Tzigane
Ida Haendel, violon
Orchestre de la Philharmonie Tchèque de Prague
Direction : Karel Ancerl
Erik Satie lui, se retire définitivement du monde… Il vient d’essuyer un échec retentissant avec la musique d’un film muet, « Entr’acte », 20 minutes d’un court-métrage réalisé par René Clair. Il est projeté le 4 décembre 1924 durant l’entracte de Relâche, ballet dadaïste de Jean Börlin et Francis Picabia au Théâtre des Champs Elysées, donné par les Ballets Suédois. Spectacle insolent, anticonformiste et « Satie-rik » - un jeu de mot qu’affectionne alors Picabia.
La partition de Satie est répétitive, proche de ses musiques d’ameublement… La critique tire à boulets rouges sur lui. Après ce dernier baroud d’honneur, l’artiste tombe malade, il est rapidement hospitalisé, il n’est plus que l’ombre de lui-même.
Erik Satie
Relâche (Danse de la brouette)
Orchestre du Capitole de Toulouse
Direction : Michel Plasson
Bibliographie
"Les Forêts de Ravel", Michel Bernard, éd. La Table Ronde
"Ravel", Jean Echenoz, les Editions de Minuit
"Ravel", Sylvain Ledda, éd. Folio biographies
"Les dessous lesbiens de la chanson", Lea Lootgieter et Pauline Paris, éd. iXe
"The musical work of Nadia Boulanger", Jeanice Brooks, éd. Cambridge
"Gershwin", Franck Medioni, éd. Folio biographies
"Aaron Copland, the Life and Work of an Uncommon Man", Howard Pollack, ed. Henry Holt & Company, New York
"Music Musique, French and American Piano Composition in the Jazz Age", Barbara Meister, Indiana University Press
"Mistinguett, la reine des Années folles", Elizabeth Coquart et Philippe Huet, éd. Albin Michel
"Igor Stravinsky", Michel Philippot, éd. Seghers
"Winnaretta Singer-Polignac, princesse, mécène et musicien", Sylvia Kahan, Les Presses du Réel
"Erik Satie", Bruno Giner, éd. Bleu Nuit
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