Mort de Radu Lupu et de Nicholas Angelich : hommage à deux poètes du piano

Ancien producteur de France Musique, critique musical pour le mensuel Classica et pour le site Bachtrack, Alain Lompech nous explique que, tout comme les proches et collègues des deux pianistes, il s'attendait malheureusement à leur disparition prochaine, en raison de leurs graves problèmes de santé : "Radu Lupu avait arrêté de jouer du piano. Il était entré dans une très profonde tristesse et il s'est laissé partir." Le journaliste souligne également leurs qualités communes, à commencer par une profonde originalité musicale, des tempéraments très calmes, arrivant sur scène "comme des droopys", et un désintérêt pour le "business de la musique."

Radu Lupu, l'un des plus grands pianistes qui aient jamais existé

Au sujet de Radu Lupu, Alain Lompech se souvient d'un pianiste "à part", qui jouait aussi bien Schubert, Brahms, Beethoven, mais aussi Debussy et Janacek d'une façon très personnelle. "Il était de ces artistes qui n'ont pas d'école. Leur école nait de la musique, des textes eux-mêmes, et leur technique, leur sonorité sont parfaitement adaptés à ce qu'ils ont à dire, et qui finalement les dépasse parfois un peu."

"Radu Lupu était un poète !"

Alain Lompech nous rappelle également que Radu Lupu, était d'origine Roumaine, tout comme Dinu Lipatti et Clara Haskil, tous les trois comptant parmi plus grands pianistes qui aient jamais existé. Il se souvient d'un concert donné il y a une trentaine d'années par le pianiste au Théâtre des Champs Elysées, au cours duquel il avait notamment joué des Fantasiestücke de Schumann "totalement hallucinées : j'étais assis par hasard à côté de Brigitte Engerer, et on était absolument terrassés par la fulgurance de ce qu'on venait d'écouter, on entrait tout d'un coup dans un monde qui nous faisait oublier tout autour de nous."

Nicholas Angelich : un "doux géant"

Concernant Nicholas Angelich, Alain Lompech rappelle la personnalité extrêmement attachante du pianiste franco-américain : "tout le monde l'adorait pour toutes les bonnes raisons du monde, il avait un talent extraordinaire, et était naturellement capable de se mettre à l'écoute et d'aller vers les autres." Selon lui, bien qu'ayant mené une très belle carrière - "un jeu, une maitrise ahurissante !" - il a, comme Radu Lupu, entretenu des relations plutôt compliquées avec le studio d'enregistrement : "mais en public il avait toujours cette immédiateté qui faisait que chez lui s'équilibrait à la perfection tout ce qui est de l'ordre de la réflexion et du moment, du geste instrumental."

Tout était là, la puissance, la douceur, tout était réuni en lui."