Un Duke à Paris : des extraits d'un opéra inachevé de Duke Ellington donnés en première mondiale

Depuis plus de 40 ans, chaque année, les experts de Duke Ellington se donnent rendez-vous pendant plusieurs jours autour de conférences, tables rondes, projections et concerts. Pour la première fois, ce symposium a lieu dans la capitale française, à partir de vendredi et jusqu’à dimanche 30 avril. Trompettiste, chef d’orchestre,  fondateur du Duke Orchestra (l'un des meilleurs orchestres ellingtoniens en activité) et président, depuis deux ans, de la Maison du Duke, Laurent Mignard organise cette nouvelle rencontre intitulée "Duke et les Lumières" : "Les matériaux sur Duke Ellington sont toujours extrêmement vivants, il y a des recherches qui sont faites, ce n'est pas uniquement de la musicologie. Chacun va contribuer à une meilleure connaissance du maestro car il est parti sans laisser énormément de choses - ses archives ont été déposées à Washington, et tout le monde va creuser son histoire."

Une archéologie ellingtonienne qui continue

Pour la première fois, cette rencontre annuelle a lieu à Paris, un lieu hautement symbolique pour Duke Ellington car il a donné plus d'une centaine de concerts dans la capitale : "Il est venu très souvent à Paris. Son premier concert était en 1933, et ça été un immense succès. Il est ensuite revenu en 1939, et là ça été une ovation absolue. Puis, dans les années 1950, il y a des moments mitigés : il a donné une série de concerts à Chaillot où il a été sifflé car c'était considéré comme trop moderne." A partir du début des années 1960, le jazzman venait chaque année jouer à Paris, avant d'être hospitalisé une quinzaine de jours à l'hôpital américain de Neuilly.

L'un des grands événements de ce symposium est le concert qui sera donné par le Duke Orchestra de Laurent Mignard au Bal Blomet ce samedi 29 avril, avec au programme  des extraits de l'opéra inachevé de Duke Ellington, Boola, donnés en première mondiale. Le Duke avait commencé l'écriture de la partition au milieu des années 1930 : "Il voulait créer une grande fresque sur le peuple noir, depuis la déportation d'Afrique jusqu'à l'émancipation. Pendant longtemps, il disait que la musique était prête, et qu'il attendait les financements. Mais les financements ne sont jamais arrivés, et cette œuvre n'a jamais vu le jour. Et à la place, en janvier 1943, Duke Ellington propose Black, Brown, & Beige, avec seulement trois mouvements au lieu de cinq, et quelques mots, à la place d'une grande narration."

C'est le saxophoniste Michael Kilpatrick, expert de Duke Ellington, qui a retrouvé ces partitions dans les archives de la Smithsonian Institution à Washington. Laurent Mignard l'a alors contacté pour enfin jouer, sur scène, 35 minutes de cet opéra reconstitué, dans lequel se trouvent des choeurs - du gospel et des chants sacrés, mais Laurent Mignard précise que "ce n'est pas forcément un opéra au sens où on l'entend en tant qu'européen." Les différentes archives montrent que cette œuvre aspirait néanmoins à être un "art total", mais il reste encore beaucoup d'inconnues autour de cet ouvrage. Les recherches continuent.

• Duke Ellington Symposium International a lieu du 28 au 30 avril à Paris, dans plusieurs salles de concerts et médiathèques.  Retrouvez tout le programme sur le site de la Maison du Duke