L'exposition «18ème, aux sources du design», au château de Versailles

L'exposition «18ème, aux sources du design», au château de Versailles
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Ce matin, Cécile Jaurès nous emmène au Château de Versailles pour une exposition qui dépoussière notre vision du mobilier du Siècle des Lumières.

On croit souvent que le concept de design ** est apparu à l’aube du XXème siècle, avec l’essor de la fabrication industrielle en série. En réalité, pas du tout. Une audacieuse exposition, au château de Versailles, enracine cette notion dans le XVIIIème siècle. Dès cette époque, la fonctionnalité, le confort, l’ergonomie sont devenus des préoccupations primordiales. Figurez-vous que le mot même de design * a été créé en 1712 par le comte de Shaftesbury. C’est le premier à réunir le dessein (EIN) et le dessin (IN), autrement dit la conception et la forme de l’objet*.

Pour appuyer son propos, l’exposition présente une centaine de meubles d’exception, datés de 1650 à 1790. Nombre d’entre eux proviennent des collections versaillaises, d’autres viennent du Louvre, du musée des Arts décoratifs, du château de Fontainebleau ou d’institutions étrangères, comme le Getty Museum de Los Angeles ou le Fine Arts Museum de San Francisco. Plus intéressant encore, près de la moitié des pièces exposées ont été prêtées par des collectionneurs privés. Certaines sont même visibles pour la première fois.

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Cabinet des Gobelins © musée des Arts décoratifs de Strasbourg M. Bertola / Serre-Bijoux de Marie-Antoinette 1787 (Ferdinand Schwerdfeger) © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) G.Blot
Cabinet des Gobelins © musée des Arts décoratifs de Strasbourg M. Bertola / Serre-Bijoux de Marie-Antoinette 1787 (Ferdinand Schwerdfeger) © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) G.Blot

La scénographie elle-même ne manque pas d’originalité. Nous sommes habitués à admirer ces meubles dans le décor chargé des appartements royaux ou des «period rooms» des grands musées, ces salles qui reconstituent des ensembles complets liés à une époque. Cette fois, ils sont exposés isolés les uns des autres, sur fond blanc et gris. Certains sont installés sur un piédestal pivotant, d’autres sont visibles sous tous les angles grâce à des miroirs. Cette mise en scène met formidablement bien en valeur l’élégance de leurs lignes, le luxe de leur ornementation ou le raffinement de leur marqueterie.

L’exposition joue également la carte de la pédagogie avec des explications limpides et des petits films. L’un d’entre eux dévoile par exemple la complexité du mécanisme d’un secrétaire à cylindre signé David Roentgen, un ébéniste allemand dont Louis XVI s’était entiché. On voit au fur et à mesure comment accéder aux trois serrures cachées et aux dix tiroirs secrets de ce meuble ingénieux. Un véritable coffre-fort !

David Roentgen, secrétaire mécanique à cylindre © RMN château de Versailles DR
David Roentgen, secrétaire mécanique à cylindre © RMN château de Versailles DR

Au XVIIIème siècle, les artisans font preuve de virtuosité mais aussi d’une grande inventivité. Avec le développement des appartements privés, où l’on aime se retirer ou recevoir ses proches, de nouveaux meubles font leur apparition : bureau plat, commode, bergère. Le canapé lui-même se décline en «ottomane», «sofa» ou «tête-à-tête». La table peut être à écrire, à thé, à jeu… Savez vous ce qu’est un «bonheur-du-jour» ? C’est une table pour la toilette. Imaginez : on passe d’une quinzaine de meubles différents dans les années 1670 à près d’une centaine à la veille de la Révolution.

Contrairement aux meubles d’apparat, bridés par les contraintes d’étiquette, les créations «personnalisées», pour les chambres et les boudoirs, autorisent toutes les audaces. Les couleurs, autrefois réservées aux garnitures, gagnent les extérieurs. Les marqueteries de bois sont teintées de bleu, rouge, vert, gris... Elles ont malheureusement perdu de leur vivacité sous l’effet du temps. Mais on peut encore admirer des commodes ornées de plaques de porcelaine aux luxuriants décors fleuris ou de nombreuses pièces laquées, réalisées avec des morceaux de paravents japonais ou chinois.

Chaise du pavillon du Rocher au Petit Trianon, 1781 (Foliot) © RMN-Grand Palais Château de Versailles, Christophe Fouin / Fauteuil à la Reine Jacob © RMN-GRand Palais (Musée du Louvre) Martine Beck-Coppola
Chaise du pavillon du Rocher au Petit Trianon, 1781 (Foliot) © RMN-Grand Palais Château de Versailles, Christophe Fouin / Fauteuil à la Reine Jacob © RMN-GRand Palais (Musée du Louvre) Martine Beck-Coppola

L’exposition de Versailles raconte aussi l’évolution des styles et des formes. Au fil des salles, les cabinets massifs du milieu du XVIIème siècle font place aux courbes et contre-courbes des commodes Louis XV, avant de voir la ligne droite revenir en force à la fin du XVIIIème. Les meubles allègent leur silhouette, les chaises et fauteuils se font plus confortables, en accord avec le triomphe du savoir-vivre à la française. La Révolution rebattra quelque peu les cartes mais les Révolutionnaires ne s’y trompèrent pas : ils n’ont pas vendu ou dispersé toutes les créations des grands noms du XVIIIème siècle, comme André Charles Boulle ou Jean Henri Riesener, nombre d’entre elles ont été conservées comme des **joyaux du patrimoine national ** !

♫ EXTRAITS

André Philidor - Mascarade du Roy de la Chine / Chaconne
La simphonie du Marais
Hugo Reyne, direction
FNAC 592332

Lully - Chaconne de Phaéton
Café Zimmermann
ALPH ALPHA 814

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