Sandra Abouav, danseuse et chorégraphe, vient nous parler aujorud'hui du chorégraphe Georges Appaix qui présente sa dernière pièce au théâtre des Abbesses.
Georges Appaix ** appartient à la vague des chorégraphes qui ont commencé à développer leur art dans les années 80. A cette époque, il fondait sa compagnie, La Liseuse** en hommage à son gout pour la littérature. Et pour cause, avec lui la danse cesse d’appartenir au domaine de l’indicible. Il est connu pour conjuguer le texte et la voix aux mouvements.
Sa dernière création s’appelle Univers Light Oblique et elle jouait au théâtre des abbesses ce mois-ci. Dans cette chorégraphie, les six danseurs sont renvoyés des milliers d’années en arrière, quand le langage en était à ses premiers balbutiements. Dans la pénombre une femme et un homme vêtus d’une peau de bêtes se rencontrent au centre du plateau. Ils se reniflent, se touchent, les cheveux, le nez, l’oreille et grognent à l’unisson. Et elle, utilise son corps à lui comme caisse de résonnance pour produire un rythme entrainant, sur lequel ils poussent des cris et le corps s’emballe. Derrière eux défilent des images des signes des premières traces d’écriture : hiéroglyphes et autres symboles…les projecteurs s’allument et on découvre le terrain de jeu : des cubes géants empilés en fond de scène, et des chaises entassées, sans dessus dessous. Chacun prend une chaise pour aller retourner un cube sur lequel figure une lettre. Et les mots apparaissent, se décomposent et se recomposent. Dans un jeu de questions réponses les corps traduisent et matérialisent les mots. Chacun déploie au fur et à mesure un vocabulaire où la danse est criblée de mots, d’onomatopées, de chant et de récits. Les danseurs sont pris dans une partition complexe. Certaines parties se composent instantanément dans l’improvisation. Les rythmes et les intentions différentes du corps et du texte se croisent et se superposent. Leur parcours narratif est semé d’embuches, les pieds et mots s’emmêlent, et le jeu dévie et se réinvente à chaque fois. Appaix explore les multiples combinaisons et assemblages pour traduire des sensations, des idées, dans une forme accessible et amusante pour tous.
Vous pourrez voir Univers Light Oblique à Aix-en–Provence au Pavillon Noir au mois de novembre.
Georges Appaix s’est beaucoup inspiré de l’improvisation des musiciens jazz. Ce morceau donne une bonne idée des différents «accidents» qui viennent ponctuer la danse.
**♫ Ornette Coleman / Pat Metheny - Compute **
GEFFEN RECORDS 924096-2
Parallèlement, le chorégraphe Michel Kelemenis a monté le projet du Klap, maison pour la danse, qui organisait le* Festival Question de danse*. La programmation variée du festival répond à une volonté de proposer un choix représentatif de la création chorégraphique d’aujourd’hui et invite des projets aux styles et aux écritures très différents. Mathieu Hocquemiller présentait NOU, un spectacle qui aborde la sexualité donc interdit au moins de 18 ans. Nou - comme le mot qui désigne le collectif et nou qui rappelle le verbe nouer, pour dire ce qui fait lien. Avec ce spectacle, Matthieu Hocquemille r et ses 5 interprètes souhaitent déployer une expérience de la sexualité au regard d’une vision politique.. NOU s’adresse à l’imaginaire collectif et investit le champ de la sexualité, loin d’une danse érotique, loin de la provocation des performances trash. Matthieu Hocquemiller articule une véritable poésie sexuelle justement. Le jeu entre adultes qu’il met en scène investit des géographies oubliées et aborder le corps dans la simplicité de ses volumes et de ses espaces vides. Une danseuse et un danseur s’avancent nus, on les distingue à peine. Dans leur bouche, une lampe torche qui parfois clignote et envoie loin son faisceau de lumière. Puis, c’est leur entrejambe qui s’allume à tous les deux. L’autre extrémité du corps maintenant, l’anus, s’illumine d’un petit projecteur qui vient animer l’intérieur des jambes jusqu’au sol. La lumière émane de leur corps et semble les traverser. Et les mouvements d’ondulation dessinent deux grandes lignes de fuite lumineuses autour de chacun. Plus tard, tous les cinq nous font face, nus, immobiles. Et tout le public est saisi par la force du regard qu’ils nous adressent. De leurs yeux coquins, souriants et complices, ils nous invitent à jouer avec eux de là où nous sommes. Les danseurs s’amalgament lentement et s’agitent au sol. Alors que cette scène d’orgie disparait de la scène, changement de point de vue ! Ils réapparaissent projetés sur grand écran à travers l’objectif d’une caméra thermique. La chaleur colore et découpe les silhouettes entremêlées. Nouveau regard sur corps et les différents flux qui circulent à l’intérieur de l’organisme. La vision délicate du chorégraphe mêlée à la facétie des interprètes instaure une atmosphère où se lèvent tous les tabous.
♫ Claudio Monteverdi - Lamento della ninfa
Montserrat Figueras, chant
Hespèrion XXI · Le Concert des Nations
Jordi Savall, direction
ALIA VOX
Sur ce morceau, ils réinventent le genre SM. Un danseur chante les plaintes de la nymphe et deux autres se rapprochent de lui. Comme des prédateurs amusés ils le touchent, le pincent, lui tordent la peau, le griffent, et lui se plaint en chantant. C’est drôlissime.
Compagnie À contre poil du sens – NOU - le 27 janvier au théâtre de Vanves
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