« Attan’Datte » de Frédéric Durieux (diffusion intégrale et portrait du compositeur)

Frédéric Durieux, Nô Ryoko Aoki et le Quatuor Tana
Frédéric Durieux, Nô Ryoko Aoki et le Quatuor Tana
Frédéric Durieux, Nô Ryoko Aoki et le Quatuor Tana
Frédéric Durieux, Nô Ryoko Aoki et le Quatuor Tana
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Dans nos brèves sonores cette semaine les cinq tableaux de Attan'Datte, une page de Frédéric Durieux imaginée pour la chanteuse de Nô Ryoko Aoki et le quatuor Tana, une façon de faire dialoguer deux cultures.

« Attan’Datte » de Frédéric Durieux pour voix Nô et quatuor à cordes  
Ryoko Aoki (chanteuse de théâtre Nô)  
Quatuor Tana : Antoine Maisonhaute (violon), Ivan Lebrun (violon), Julie Michael (alto), Jeanne Maisonhaute (violoncelle)
Enregistré le 13 octobre 2021 à la Seine Musicale - Boulogne

« Attan’Datte » est la mise en musique du poème de Ayukawa Nobuo : une Histoire de Paradis, éditions Labarque (1953). Merci à Véronique Brindeau (INALCO) pour ses lumières sur l'auteur de ce poème et la tradition du théâtre Nô

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Diffusion intégrale et portrait du compositeur

Ce soir, nous voyageons au Japon grâce à un poète, Ayukawa Nobuo, le compositeur Frédéric Durieux et la chanteuse de Nô Ryoko Aoki qui a eu l'idée de commander à ce compositeur ce qu'on peut appeler un Nô contemporain pour sa propre voix et pour un quatuor à cordes, ici le Quatuor Tana.

Ryoko Aoki explore le Nô contemporain depuis une dizaine d'années et a déjà collaboré avec de nombreux compositeurs ( Claire-Mélanie Sinnhuber, Aurélien Dumont, Noriko Baba, Peter Eötvös...). De son côté, Frédéric Durieux a une relation sensible et ancienne à la culture japonaise. Leurs chemins se sont croisés naturellement. 

Pour composer les cinq moments de « Attan’Datte », pour entrer dans la musique de la langue japonaise et les subtilités du poème "Une histoire de paradis", Frédéric Durieux a bénéficié de l'aide précieuses de Véronique Brindeau qui enseigne l'histoire de la musique japonaise (INALCO). Sa voix a ponctué nos émissions car elle s'est enregistrée lisant le poème en japonais et en français.

"Une histoire de paradis"

"Une histoire de paradis"" est  un poème de 1953 assez significatif de la période d'après-guerre au Japon. Une forme de tristesse imprègne le texte : on est en automne, sur un quai de gare brumeux. Un homme attend (on sait aussi qu'une femme attend chez elle, sans doute cet homme et que la soupe refroidit...). Sur ce même quai, deux fillettes - qui s'avèrent être des anges - et qui se parlent. L'expression "Attan'Datte" ("tu sais") ponctue leur discussion. Elles évoquent une vision de paradis... Une étoile luit dans cette atmosphère désolée.

Frédéric Durieux a demandé à Ryoko Aoki pour évoquer ces fillettes de prendre une voix beaucoup plus aigüe que la voix du Nô traditionnel. Ces modulations imprévisibles apportent un caractère d'étrangeté poétique à cette pièce entre deux cultures. 

Le poème : 

Dans le ciel nocturne et gelé de novembre
Il était debout la tête engoncée dans les épaules
Sur le quai quasi désert
Une fillette au teint blafard
Parlait à une autre fillette
On dit que quelque part
Il y avait un lieu nommé paradis tu sais
Que là-bas il y avait un lieu éblouissant de lumière tu sais

Dans le ciel nocturne et gelé de novembre Il y avait une petite étoile qui luisait
Comme cette fillette
Lui aussi quelque part Il doit rentrer
Un quelque part
Obscure et froid

On dit que là-bas
Il y avait un champ de fleurs vraiment très beau tu sais
Comme s’ils marchaient dans une ville lointaine
Les souvenirs de la fillette
Paraissaient s’interrompre pour à nouveau s’enchaîner
Dans le ciel nocturne et gelé de novembre
Les éclairages publicitaires s’éteignaient
Le couteau du vent froid à fine lame
Lacérait la peau gercée de la ville

Minuit dix
Les yeux des aiguilles
Scrutent les ténèbres du cœur
Là-bas devant une soupe refroidie
Une femme qui attend son retour
Et son visage immobile
Là-bas Le bois frustre
D’un lit immobile

On dit que là-bas
Vivait un homme nommé Dieu tu sais
Et que se passa-t-il ensuite ?
La conversation s’arrêta à jamais
Dans le ciel nocturne et gelé de novembre
Effrayées par un bonheur invisible
Les deux fillettes avaient rapproché les ombres de leurs ailes
Le grondement des rails du dernier train
Pour toujours Circule autour de ce pays lointain

Traduction Karine Marcelle Arneodo  

Frédéric Durieux & Le Quatuor Tana

Les musiciens du quatuor Tana et Frédéric Durieux ont engagé une collaboration au long cours. Ils préparent actuellement un album discographique qui regroupera les trois quatuors à cordes du compositeur. Voilà qui enrichira la discographie trop mince de Frédéric Durieux.

Prise de son : Pierre Bornard avec Régis Nicolas
Direction artistique : Benoît Gaspard

Projets de Frédéric Durieux

  • album avec le quatuor Tana
  • commande du Grossman Ensemble de Chicago et de l'EIC

Programmation (en plus de Attan'datte) :

de Claire-Mélanie Sinnhuber

  • Sur les pas de Tsunemasa (2008) pour voix de Nô et clarinette
    Ryoko Aoki (chant) & Isabelle Duthoit (clarinette)

de Frédéric Durieux

  • Etude en alternance n°2, Bercer (in memoriam Gérard Grisey)
    Ensemble Alternance
    31 Mars 2003, salle Cortot, Radio France
    Diffusion sur France Musique le 3 mai 2003
  • Here, not there, A Tribute to Barnett Newman (2004-2007) pour quatuor à cordes et électroniques  
    Enr. 31 mars 2007 (Monte-Carlo, Printemps des Arts)  
    Quatuor Diotima  Serge Lemouton, réalisation informatique musicale Ircam
  • Counting out time__, pour piano
    Antoine Ouvrard, piano
    Radio France, janvier 2017