« Cinq Fleurs pour contrebasse » d' Hèctor Parra (5/5)

« Cinq Fleurs pour contrebasse » de  Hèctor Parra  Nicolas Crosse (contrebasse) 
Création enregistrée le 25 janvier 2022, Salle Colonne - Paris

Fleur n°5 / Fleur déguisée

Le contrebasse Nicolas Crosse est friand de sons saturés, d'une forme de violence dans le jeu. Cela tombe bien, car le Catalan Hèctor Parra cultive lui aussi une forme de violence dans l'écriture, lui qui aime cerner les ombres chez les humains. C'est du moins ce qui ressort de ses opéras (Les Bienveillantes, Wilden). Dans Inscape du même Hèctor Parra, créée par l'Ensemble Intercontemporain, Nicolas Crosse jouait également une partie solo très contrastée et violente.

Chaque Fleur de ce nouveau cycle contient sa violence propre. Merce Rodoreda écrit une oeuvre "au noir". La "Fleur déguisée" est une enjôleuse, une sorcière à sa façon, qui ensorcelle les hommes. Le seul moyen de se débarrasser du sort qu'elle jette, c'est de la brûler à l'acide.

"Comme les insectes que la peur déguisée de la couleur de la branche sur laquelle sont, cette fleur prend la couleur du mur sur lequel elle naît. Un oiseau laisse la graine - il lui faut la complicité d'un oiseau (le merle sauvage) - sur une corniche, dans une lézarde. C'est là que pousse et vit, au bout d'une tige mince, flexible et torsadée, cette fleur en forme de cloche, toute esprit. Quand la nuit est tombée elle grimpe jusqu'à ta fenêtre et si tu es éveillé elle t'endort pour pouvoir contrôler tes rêves. Elle te dit dans le creux de l'oreille qu'il n'y a personne au monde comme toi et que tout ce qui t'entoure n'est que duperie. Toi seul es pur et très haut. Il n'est rien qui soit propre. Tout est gâté : frère, épouse, amis. Et chaque nuit il en va de même. Tu finis par tout détester. A quel point que tu ne peux vivre sans elle, que tu te languis d'elle, que tu deviens solitaire avec ton âme et avec la fleur. Lorsque tu es bien à elle, d'une secousse elle se déracine et disparaît. La seule façon que tu as de te sauver, c'est d'arriver à la voir à temps et de l'arroser d'acide". Merce Rodoreda