Ce matin, Antoine Pecqueur notre chroniqueur, nous parle d’un livre qui vient de sortir chez Odile Jacob : La politique culturelle, enjeux du XXIe siècle. Il nous présente avant, brièvement l’auteur de ce livre : Guillaume Cerutti.
Le profil de Guillaume Cerutti est intéressant, car il a toujours oscillé dans sa carrière entre public et privé. Il fut directeur général du centre Pompidou, directeur de cabinet de Jean-Jacques Aillagon au ministère de la Culture puis a travaillé pour des maisons de ventes aux enchères : Sotheby’s puis aujourd’hui Christie’s. Il appartient clairement à la galaxie Jean-Jacques Aillagon - François Pinault, ce dernier qui possède, la maison Christie’s. Mais on aurait tort de le réduire à un simple homme de réseau. Cerutti est devenu un observateur éclairé, aiguisé du monde culturel, avec une prédilection pour les arts plastiques mais pas seulement. Et l’intérêt du livre est que Cerutti ne se limite pas, comme c’est trop souvent le cas, à un constat mais formule une série de propositions.
On s’interroge donc maintenant sur la thèse de son livre. Il est construit en 20 chapitres, à l’origine des articles parus dans le quotidien de l’art, qui sont autant de propositions en matière de politique culturelle. Et au fil des pages, on se rend compte que M. Cerutti est inclassable, ni de droite ni de gauche, pour parodier Macron. Il défend le patrimoine comme la création, la puissance publique comme les collectionneurs privés. Il peut être vu comme libéral, quand par exemple il remet en question l’inaliénabilité des œuvres de musées, c’est-à-dire l’interdiction qu’ont les musées de vendre leurs tableaux ou sculptures. Mais ces arguments méritent d’être écoutés : il explique que face à une baisse de moyens, et bien encadré, cette pratique permettrait aux musées de renouveler leurs collections, c’est ce qui se passe dans les musées américains.
A propos de l’intermittence du spectacle, il ne nie pas l’intérêt du système mais demande du courage en politique. En l’occurrence de faire le ménage parmi les listes d’emplois ouvrant droit aux contrats d’intermittents, de distinguer davantage artistes et techniciens. Il suggère aussi dans la lignée du sociologue Pierre-Michel Menger de responsabiliser les employeurs en faisant cotiser davantage ceux recourant le plus aux intermittents. Sur l’économie culturelle, M. Cerutti est très pertinent quand il met en garde contre le concept anglo-saxon d’industrie créative, où l’on retrouve aujourd’hui aussi bien les musées que le théâtre ou le marché de l’art. Pour lui, c’est l’antithèse du concept d’exception culturelle, selon lequel la culture n’est pas assimilable à un bien marchand, et qui justifie l’intervention des pouvoirs publics. Face à la pléthore d’études sur l’impact économique de la culture, M. Cerutti s’interroge : « à quand un grand rapport sur l’impact éducatif et social de la culture en France ? » Voilà donc le M. Cerutti de gauche, le même qui appelle à améliorer les cours d’histoire de l’art au secondaire. Et cela est d’autant plus convaincant que M. Cerutti est un spécialiste de l’économie de la culture. C’est lui qui avait préparé avec Jean-Jacques Aillagon la fameuse loi sur le mécénat de 2003. Et d’ailleurs dans le chapitre mécénat du livre, M. Cerutti préconise de stimuler aujourd’hui davantage après les entreprises, la philanthropie des particuliers en modifiant par exemple le droit des successions pour favoriser les donations.
L’un des chapitres les plus attendus, était bien sûr celui sur le ministère de la Culture. Il en appelle à une refondation, avec une stratégie plus sélective. Comme le ministère n’aura pas plus d’argent dans les prochaines années, alors il vaut mieux aider moins de monde mais mieux. Et aller par exemple pour la création sur les formes les plus innovantes et les plus exigeantes. Cela passe par un allègement de la structure du ministère, comprendre une baisse du coût de fonctionnement, et davantage d’autonomie pour les grands établissements nationaux. A six mois de la présidentielle, M. Cerutti semble bien nous livrer ce que pourrait être s’il était le futur ministre de la Culture. Lorsque l’on voit la liste des remerciements du livre, on compte plutôt des personnalités proches d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux a peut-être déjà trouvé avant la case des primaires, son futur locataire de la rue de Valois.
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