Suite à la réouverture du Bataclan avec Sting, Antoine Pecqueur notre chroniqueur nous éclaire sur la santé des salles parisiennes, un an après les attentats.
Immédiatement après les attentats, de nombreuses annulations de spectacles ont eu lieu, mais sur une période très courte. Ce sont surtout deux facteurs qui ont eu un impact économique sur les salles, en particulier parisiennes : la baisse de fréquentation et les achats liés à la sécurité (portique, gardiens). Le calcul est donc vite établi : plus de dépenses et moins de recettes. Globalement, sur un an, les mesures de sécurité représentent plus de 90 millions d’euros et la baisse de fréquentation représente une perte de 115 millions d’euros. Avec de grandes différences d’un genre à l’autre : les concerts de musiques actuelles qui étaient directement visés par les attentats ont été particulièrement impactés. Une baisse de 20% des ventes de billets entre mi-novembre 2015 et fin janvier 2016. Les petites salles du théâtre privé aux financements parfois précaires ont également souffert.
En ce qui concerne la musique classique, on voit par exemple une différence importante entre la Philharmonie et l’Opéra de Paris. La Philharmonie affiche toujours complet pour une grande partie des concerts, et a donc été très peu impactée. Par contre, l’Opéra de Paris a dû lui faire face à la baisse du tourisme suite aux attentats. Au-delà des spectacles, ce sont les visites du Palais Garnier qui attirent aujourd’hui beaucoup moins de monde. Or, c’est une source majeure de profits pour l’opéra.
De la même manière, les cabarets parisiens sont en difficulté, avec une baisse aujourd’hui toujours de 20% à 25% de fréquentation. Le Lido ou autre Crazy Horse sont fréquentés pour moitié par des touristes. Certains voient même dans la baisse du marché du livre un impact des attentats. Et surtout, et cela dans tous les domaines, les activités pédagogiques sont aujourd’hui plus difficiles à organiser, et ont donc connu un ralentissement.
L’État a immédiatement réagi en mettant en place un fond d’urgence pour le spectacle vivant. Il s’agit aujourd’hui de 14.4 millions d’euros. L’Etat n’est pas le seul contributeur, outre le ministère de la Culture il y a la ville de Paris, les sociétés d’auteur comme la Sacem ou l’Adami. Et la structure qui gère ce fonds, c’est le CNV, le centre national de la chanson des variétés et du jazz. À l’origine, son rôle est de soutenir les musiques actuelles grâce à la perception d’une taxe sur les spectacles. Mais il devient de plus en plus puissant, outre la gestion du fonds d’urgence : le ministère veut en faire l’observatoire de l’économie de la filière musicale. Certains ont pu d’ailleurs contester que ce soit une structure représentative d’une partie du secteur qui soit en charge de l’ensemble du champ musical. On voit au ministère de la Culture des tiraillements entre la DGCA (Direction Générale de la Création Artistique) et la DGMIC (Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles). L’après 13 novembre n’a donc pas pacifié l’opposition entre cultures subventionnées, comme la musique classique (représenté par la DGCA), et l’industrie culturelle, comme les musiques actuelles (représentées par la DGMIC), même s’il y a parfois de la porosité entre les deux.
Manuel Valls vient en tout cas d’annoncer 4 millions d’euros supplémentaires pour le fond d’urgence, afin notamment de développer la vidéosurveillance dans les lieux culturels. L’impact des attentats n’a donc pas fini de se faire sentir.
Pour conclure, il est important de préciser que Sting n’a pris aucun cachet pour son concert de samedi soir, il a tout reversé aux associations de victime des attentats. C’est aussi ça, l’économie de la culture !
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