« L’ingrat piano » d’Honoré de Balzac

Honoré de Balzac et le Panharmonicon de Gambara
Honoré de Balzac et le Panharmonicon de Gambara ©Getty - /
Honoré de Balzac et le Panharmonicon de Gambara ©Getty - /
Honoré de Balzac et le Panharmonicon de Gambara ©Getty - /
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Si, chez Balzac, « l’ingrat piano » fait rarement l’objet des attaques virulentes dont il a pu être la victime chez son quasi-contemporain le poète allemand Freiderich Heine, il apparaît toutefois comme un objet de second ordre, et dont tout doit servir la dévalorisation.

Le premier signe est qu’il est un objet majoritairement féminin, donc diminué. Au regard de la société du XIXè siècle ; il est l’un des éléments de la bonne éducation féminine, qu’elle soit noble comme dans le roman Une fille d’Eve ou bourgeoise dans Modeste Mignon, tous deux faisant partie des scènes de la vie privée de La Comédie Humaine.

Mais le piano ne devient un moyen d’expression complet qu’à partir du moment où il est accompagné du chant de l’amoureuse, d’une parole qui en soutient l’harmonie et en délivre le sens. Autrement dit, le langage du piano, qu’il soit langage des jeunes filles ou non, serait toujours insuffisant par lui-même et ne serait audible qu’à la condition d’être augmenté d’un second langage, articulé.

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Quand bien-même sortons-nous de l’univers féminin, le piano fait figure chez Balzac, d’instrument d’appoint, imparfait. Il semble incapable de lui procurer la plénitude qu’il attend de la musique et qu’il ne trouve que dans la musique symphonique ou l’opéra.

C’est son invention du Panharmonicon qui dit le mieux ce manque essentiel du piano au regard de Balzac. En augmentant le piano à queue d’un « buffet supérieur de plus », de tuyaux et d’instrument à vent, son jeu ne touche au sublime qu’au moment où Gambara l’accompagne de la voix et donne à son développement le timbre de « cent voix ».

Si, tant qu’il reste enfermé dans les appartements balzaciens, le piano est bien le signe ostentatoire d’un luxe qui descend dans les classes bourgeoises. Dès qu’il est ouvert au jeu de l’interprète, il devient alors le lieu d’une réflexion sur la réception artistique. Le piano est alors ingrat à qui ne sait pas l’entendre, ne sait pas l’écouter.

Balzac à travers le choix d’Ursule dans la Comédie humaine, démontre que certaines œuvres ne sont pas recevables, partageables avec tous, mais nécessitent une étude approfondie : « Plus la musique est belle, moins les ignorants la goûtent » nous dit-il. Cette ligne de partition entre un public éduqué et un public ignorant est sans cesse renforcée dans le texte où tout affirme le prosaïsme et l’inculture des bourgeois de Nemours.

Mais si dans la Comédie humaine, l’aristocratie existe encore dans son opposition à la bourgeoisie, une nouvelle aristocratie apparait, toute spéciale, et que l’art du piano permet de comprendre. Les deux grands romans, où le piano est l’instrument d’une interprétation particulièrement riche, sont aussi deux grands romans de l’héritage : Le Cousin Pons et Ursule Mirouët.

Programmation musicale

Franz Liszt
Grande étude de Paganini en sol dièse min (La campanella)
Lang Lang, piano
SONY

Ludwig van Beethoven
Bagatelle n°25 en la min : Lettre à Elise
Anne Queffélec, piano
MIRARE

Gioachino Rossini
La légende de Marguerite - romance pour mezzo-soprano et piano
Cecilia Bartoli, mezzo soprano ; Charles Spencer, piano
DECCA

Giacomo Meyerbeer
Festmarsch - transcription pour piano
Leslie Howard, piano
HYPERION

Ludwig van Beethoven
Grande Fantaisie pour le piano sur la 7e Symphonie de Beethoven op 39 (Souvenirs de Beethoven)
Elena Kolesnikova, piano ; Sigmund Thalberg, arrangeur
TELOSMUSIC

Felix Mendelssohn
6 préludes et fugues op 35 : Prélude en min min op 35 n°1
Benjamin Grosvenor, piano
DECCA

Sigismond Thalberg
Mi manco la voce de Mose in Egitto op 36 n°3
Paul Wee, piano
BIS

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