Il y a 50 ans mourait l'auteur du Sacre du printemps, chef d’œuvre qui a ouvert le grand livre de la modernité en musique. Mais le Sacre est un arbre qui cache une forêt : l’œuvre et l’existence d’un homme aux mille visages et aux mille vies, qui a traversé tous les drames d'un siècle fou.
L'enfance d'Igor Stravinsky, entre Saint Pétersbourg et Oustylouh
Igor Stravinsky est né le 17 juin 1882 à Orianenbaum, une petite ville à 40 km de Saint Pétersbourg, où ses parents étaient en vacances. De la mère d’Igor, Anna, on sait peu de choses, sinon qu’il s’en occupera toute sa vie, avec une sorte de piété filiale qui tiendra lieu d’affection. Son père, Féodor Stravinsky, est mieux connu : il fut première basse chantante du Théâtre Mariinsky, une grande voix de l’opéra russe doublé d’un remarquable comédien. Il a été parmi les premiers à tenir le rôle de Boris Godounov.
"C’était un merveilleux artiste, à la technique surprenante acquise en étudiant la méthode italienne ; s’il avait pu voyager hors de Russie, nul doute que sa renommée aurait égalé celle d’un Chaliapine."
Igor Stravinsky à propos de son pèrePublicité
Pendant toute la saison, la famille habite Saint Pétersbourg, au 66 canal Krioukov. Le lieu a été fréquenté par Fédor Dostoïevski, grand ami de son père, décédé peu avant la naissance de notre compositeur. Le bonheur, c’est l’été : toute la famille se rend à 1300 km au sud, dans la Datcha familiale à Oustylouh, en Ukraine. C’est là qu’Igor place son premier souvenir : il a 3 ans , un vieux paysan à l’allure redoutable amuse les enfants en chantant un petite mélodie qu’il accompagne en la rythmant d’un bruit de sa paume sous son aisselle, bruit douteux qu’Igor qualifie de baiser de nourrice… C’est là, prétendra-t-il, "que je pris conscience de moi-même en tant que musicien."
Premières compositions
Igor Stravinsky prend ses premières leçons de piano à l'âge de 9 ans. Il adore la musique de Jean-Sébastien Bach, et aime surtout improviser. Son deuxième professeur, Leokadia Khashperova est une ancienne élève d’Anton Rubinstein. Toute sa vie, il composera au piano pour être, "au contact direct de la matière sonore." Igor compose ses premières pièces originales en 1898 : une Tarentelle, et bientôt, un petit Scherzo, première trace qui nous soit restée de son écriture, et de son appétit, déjà, pour la danse.
En 1901, Igor a 19 ans. Il veut être compositeur mais la famille, le père surtout, ne croit pas en ses dons ; trop amateur, trop dilettante. On veut aussi lui éviter les déboires de la vie d’artiste, il faut pour cela un métier sérieux, dans l’administration par exemple : on l’envoie faire son droit à l'Université de Saint Pétersbourg, où il se lie d’amitié avec l’un des fils du compositeur Nikolaï Rimski-Korsakov...
La rencontre avec Nikolaï Rimski-Korsakov
Membre historique du Groupe des Cinq, professeur de composition au Conservatoire, Rimski-Korsakov est considéré comme le grand maître russe depuis la mort de Tchaïkovski. Igor Stravinsky présente au maître un cahier d’esquisses qui ne le convainc pas, mais il lui promet de le prendre en cours particulier quand il aura avancé en contrepoint et en harmonie.
Le 21 novembre 1902, le père d’Igor meurt d’un cancer à l’âge de 59 ans ; triste événement qui va également lui donner la liberté de choisir la composition : il travaille une sonate pour piano qu’il s’obstine à apporter par morceaux à Rimski-Korsakov. Ce dernier, ému par ce jeune homme si pressé de bien faire et si attentif à ses avis, finit par accepter de le prendre en cours. Igor sera pendant 5 ans son élève assidu, à raison de deux cours d’une heure par semaine.
En janvier 1906, Igor Stravinsky épouse sa cousine germaine, et amie de cœur, Katarina Gavrilovna Nossenko. En 1907 naît son premier fils, Théodor. Frappé par la mort de Rimski-Korsakov l'année suivante, il écrit un Chant funèbre en mémoire de son maitre, "la meilleure de mes œuvres avant l’Oiseau de feu", dira-t-il. La pièce sera perdue pendant la révolution russe et retrouvée un siècle après, en 2015 !
L'Oiseau de feu
Le 6 février 1909, Feu d’artifice est créé aux concerts Ziloti. L'impresario Serge Diaghilev remarque immédiatement l’aisance de l’écriture orchestrale. A la fin de l’été 1909, ce dernier envoie à Stravinsky un télégramme qui va changer sa vie : la première saison des Ballets russes a été un vrai succès, seulement il a senti une contradiction entre l’ambition de ses spectacles et des partitions un peu datées. Diaghilev a alors l’idée d’un spectacle sur un conte traditionnel russe : L’Oiseau de feu. Mais il faut faire vite : 40 minutes de musique à écrire en quelques mois seulement !
L’Oiseau de feu est un conte plein de merveilleux : un prince, un oiseau fabuleux, des princesses avec des pommes d’or, un méchant sorcier dans son château magique… Igor Stravinsky n’a pas le temps de réfléchir ; il faut aller au plus efficace – sur cette histoire il applique ce qu’il a appris de son maître. Le souvenir de Rimski-Korsakov est présent à chaque page de la partition – qui lui sera d’ailleurs dédiée : dans les rythmes, les couleurs, l’opulence orchestrale, les harmonies mystérieuses, l’art de créer de la lumière avec des sons…
Le 15 juin 1910, c’est l’ouverture de la nouvelle saison des Ballets russes. L’Oiseau de feu est le dernier spectacle, donné le 25 juin à l'Opéra de Paris par les Concerts Colonne placés sous la direction de Gabriel Pierné. Les nouvelles conceptions de Diaghilev y paraissent dans toute leur splendeur : aucun art n’est subordonné aux autres : musique, danse, décors, lumières, tout est au premier plan pour concourir à un spectacle total. Le succès est éclatant ; rentré chez lui, Ravel écrit en urgence à son ami Maurice Delage : "Je vous attends pour retourner à l’Oiseau de feu ; ça va plus loin que Rimski. Et quel orchestre !" Consécration suprême, Claude Debussy vient en coulisses pour inviter notre compositeur à dîner… Stravinsky a 28 ans depuis quelques jours ; inconnu hier, c’est soudain une vedette - sa carrière est lancée !
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Bibliographie
- Igor Stravinsky, Chroniques de ma vie, Denoël et Steele, 1935
- André Boucourechliev, Igor Stravinsky, Fayard, 1989
- Bertrand Demoncourt, Igor Stravinsky, Actes Sud / Classica, 2013
- Abécédaire Stravinsky, sous la direction de la Fondation Igor Stravinsky, Editions La Baconnière, 2018
- Avec Stravinsky : Textes d'Igor Stravinsky, Robert Craft,Pierre Boulez Karlheinz Stockhausen, Editions du rocher, 1958
- Igor Stravinsky, Confidences sur la musique, propos recueillis (1912-1939), Textes et entretiens choisis, édités et annotés par Valérie Dufour, Actes Sud, 2013
Programme musical
Igor Stravinsky, Scherzo fantastique op. 3
Orchestre de Cleveland, Pierre Boulez (direction)
Deutsche Grammophon
Modeste Moussorgski, Boris Godounov : "Adieu mon fils je meurs" (Acte IV, Scène 2)
Fédor Chaliapine (basse)
Classical Collector
Piotr Ilitch Tchaïkovski, La Belle au bois dormant : Valse
Orchestre symphonique d'Etat de Russie, Evgueni Svetlanov (direction)
Chant du Monde
Mily Balakirev, Fantaisie sur des thèmes d'Une vie pour le Tsar de Glinka
Etsuko Hirose (piano)
Mirare
Mikhail Glinka, Rouslan et Ludmila : "Blizok uz chas torzhestva moyego" (Acte II)
Orchestre du Théâtre de Kiev, Boris Gmyria (direction)
Lebendige Vergangenheit
Piotr Ilitch Tchaïkovski, Symphonie n° 6 en si mineur op. 74 (Pathétique) : 4. Finale
Musicaeterna, Teodor Currentzis (direction)
Sony Classical
Alexandre Glazounov, Quatuor à cordes n°4 en la mineur op. 64 : Andante
Quatuor Zemlinsky
Praga
Igor Stravinsky, Scherzo pour piano
Michel Béroff (piano)
EMI
Igor Stravinsky, Nuages d'orage
Olga Romanko (soprano) & Victor Samoilenko (piano)
MK
Nikolai Rimski-Korsakov, Le Coq d'or : "Salut à toi soleil de flamme" (Acte II)
Aida Garifullina (soprano), Orchestre symphonique de la radio de Vienne, Cornelius Meister (direction)
Decca
Alexandre Glazounov, Symphonie n° 7 en fa majeur op. 77 (Pastoral'naya') : Scherzo
Orchestre symphonique de la radio de Moscou, Vladimir Fedosseiev (direction)
Brilliant Classics
Igor Stravinsky, Les Champignons vont à la guerre
Mikhail Svetlov (basse) & Doris Stevenson (piano)
Deutsche Grammophon
Igor Stravinsky, Sonate pour piano n° 1 en fa dièse mineur : Vivo
Alexej Gorlatch (piano)
Sony Classical
Nikolai Rimski-Korsakov, Le Coq d'or : "Où est la Reine" (Acte III)
Choeur de la Radio-Télévision d'URSS, Orchestre symphonique de la radio de Moscou, Yevgeni Akouloff (direction)
Melodiya
Nikolai Rimski-Korsakov, Le Coq d'or, suite pour orchestre : 4. La noce et la fin pitoyable
Orchestre philharmonique royal de Liverpool, Vasily Petrenko (direction)
Onyx
Igor Stravinsky, Symphonie en mi bémol majeur op. 1 : Finale
Orchestre symphonique de la Columbia, Igor Stravinsky (direction)
Sony Classical
Igor Stravinsky, Faune et bergère
Orchestre symphonique de la BBC, Igor Stravinsky (direction)
Sony Classical
Igor Stravinsky, Pastorale
Phyllis Bryn-Julson (soprano), Ensemble Intercontemporain, Pierre Boulez (direction)
Deutsche Grammophon
Igor Stravinsky, Chant funèbre op. 5
Orchestre du Festival de Lucerne, Riccardo Chailly (direction)
Decca
Igor Stravinsky, Feu d'artifice op. 4
Orchestre symphonique de Chicago, Pierre Boulez (direction)
Deutsche Grammophon
Frédéric Chopin, Valse en mi bémol majeur op. 18 (arrangement pour orchestre d'Igor Stravinsky)
Orchestre philharmonique de Bergen, Andrew Litton (direction)
BIS
Igor Stravinsky, L'Oiseau de feu
Orchestre symphonique de la ville de Birmingham, Andris Nelsons (direction)
Orfeo
Anton Arenski, Nuits Egyptiennes op. 50 : Danse des Ghazies
Orchestre Les Siècles, François-Xavier Roth (direction)
Musicales Actes Sud
Igor Stravinsky, L'Oiseau de feu
Orchestre symphonique de la ville de Birmingham, Andris Nelsons (direction)
Orfeo
L'équipe
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