Gabriela Montero : "La composition c'est de l'improvisation avec du temps"

La musique est innée chez la pianiste et compositrice Gabriela Montero. Dès l'âge de sept mois, elle pianote sur les touches d'un piano à deux octaves offerts par sa grand-mère et tente de reproduire les berceuses qu'on lui chante, telle que l'hymne vénézuélien. Elle commence les leçons à quatre ans avec Lyl Tiempo et joue en public pour la première fois à l'âge de huit ans avec l'Orchestre symphonique des jeunes du Venezuela Simón Bolívar. Elle se forme par la suite auprès d'Hamish Milne à l'Académie royale de musique de Londres.

Le répertoire français est une grande inspiration pour Gabriela Montero notamment pour ses propres compositions : "Je reconnais chez Ravel cet amour du langage gershwinien et du jazz, c'est une fusion extrêmement exaltante". Ce sont des sonorités qu'elle estime magiques, nouvelles et différentes, qui tendent sa créativité vers ses extrêmes.

Gabriela Montero est en concert ce jeudi 16 juin à la Maison de la Radio et de la Musique, pour un concert Tchaïkovski, accompagnée par l'Orchestre National de France dirigé par Joana Mallwitz. Si ce sont ses débuts avec cet orchestre, elle y a décelé un esprit français bien particulier, marqué par la spontanéité et la fraicheur des musiciens.

Composition et improvisation

Alors que l'improvisation était l'apanage de tous les grands pianistes compositeurs jusqu'à la fin du 19e siècle, elle a petit à petit laissé sa place au travail de l'interprétation. Gabriela Montero souhaite redonner à cet acte de création une place de choix lors de ses concerts. Ses compositions naissent toujours de l'improvisation. Selon son expérience, l'improvisation ne s'apprend pas : " Comment peut-on apprendre quelque chose qui n'existe pas ? C'est vraiment l'exercice de l'empathie l'improvisation, c'est raconter des histoires dans l'immédiateté. " Son morceau, Ex Patria est né d'un besoin de parler de ce qui se passait au Venezuela avec le langage très sensible et émotif qu'est la musique.

Lors de ses concerts, la pianiste aime demander au public un thème sur lequel improviser, car de cette manière, ils font parti processus de création : "C'est un exercice en commun très beau avec le public."

"Je ne peux pas retourner au Venezuela"

Depuis 2010, elle n'est pas retournée au Venezuela, son pays d'origine : "J'ai dit très haut ce que je pensais donc malheureusement, je ne peux pas y retourner, ce qui est très difficile pour moi." En effet, la pianiste s'est engagée à plusieurs reprises politiquement, et a critiqué les politiques de Hugo Chavez et Nicolas Maduro ayant mené selon elle au naufrage de son pays. "J'ai réagi, je me suis impliquée parce que ça me touchait, parce que c'est mon peuple. Cela m'a donné la puissance et la volonté de faire quelque chose que je n'aurais jamais pensé pouvoir faire c'est-à-dire dénoncer un gouvernement criminel".

En 2017, elle interpelle Gustavo Dudamel pour son attitude jugée complaisante envers le gouvernement Maduro. Gustavo Dudamel prend alors publiquement ses distances le gouvernement. "Ses actions, ses alliances avec le gouvernement pour moi ont parlé bien plus nettement que tout ce qu'il a pu dire ou ne pas dire."

Gabriela Montero émet des réserves sur le programme d'apprentissage musicale développé au Venezuela, nommé "El Sistema" : "Je défends toujours la musique, et le fait que les enfants puissent pratiquer, et que l'on mette dans leurs éducations les grandes valeurs de la musique. Je ne pourrai jamais critiquer le Sistema mais ce sur quoi je suis critique c'est que le Sistema est l'instrument de propagande le plus efficace depuis 1999. Depuis de nombreuses années, il était très difficile de dire au monde entier ce qu'il se passait au Venezuela, car la situation musicale le masquait."