Kirill Serebrennikov : "Les musiciens sont toujours des révolutionnaires"

Enfin ! Kirill Serebrennikov pourra présenter lui-même son nouveau film au Festival de Cannes. Le metteur en scène et réalisateur n’avait pas eu cette chance pour ses deux derniers films déjà sélectionnés au festival international de cinéma. Assigné à résidence chez lui à Moscou entre 2017 et 2019 puis interdit de quitter la Russie pendant deux années supplémentaires suite à une accusation de détournements de fonds avec sa troupe le 7e Studio ainsi qu'au Centre Gogol qu’il a dirigé durant presque 9 ans, le cinéaste a appris fin mars qu’il était enfin libre de quitter son pays natal.
C’est donc à Cannes que nous retrouvons "l’enfant terrible du cinéma russe" lors de la projection en ouverture de la 75e édition du Festival de Cannes de "La Femme de Tchaïkovski", son dernier-né en lice pour remporter la Palme d'or cannoise.
Cela faisait plusieurs années déjà que Kirill Serebrennikov souhaitait se tourner vers l’une des plus importantes figures musicales russes. Après s’être plongé dans les moindres détails dans la vie du compositeur, le réalisateur a voulu axer son approche autour de la femme de Tchaïkovski, Antonina Milioukova. "C’est son regard féminin qui m’intéressait pour ensuite mieux comprendre le musicien" nous explique le cinéaste.

"Faire un film sur la musique de Tchaïkovski en faisant entendre sa musique serait d’une extrême vilenie"

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C’est cet amour impossible qui est raconté en raison de l’homosexualité de Tchaïkovski et qui mettra en péril leur mariage. Toutefois dans ce film, l’homosexualité du compositeur n’est jamais ouvertement affichée. Kirill Serebrennikov nous rappelle d’ailleurs que ce n’est pas un film uniquement autour de la sexualité de Tchaïkovski mais qui permet plus largement de "montrer le rapport traumatique de l’homosexualité qui existe en Russie". Selon le réalisateur russe, cette homophobie est plus présente aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années : "La loi sur la propagande homosexuelle s’applique tous les jours en Russie. Le sentiment homophobe est très présent aujourd’hui".
C’est pour cette raison que le cinéaste n’a pas pu compter sur le gouvernement russe pour réunir des fonds pour réaliser son film. En effet, Kirill Serebrennikov est dorénavant boudé par les dirigeants russes qui ont même décidé de retirer de l’affiche son ballet autour de Noureev créé en 2017 et qui devait être à nouveau donné en mai au Bolchoï.

"Tchaïkovski est un monument en Russie mais il soulève aussi beaucoup d’indignations, c’est pour cela que c’est une personnalité contradictoire dans la culture russe... Personnellement j’ai toujours aimé les gens qui sont contre le système"

Parallèlement à ses films, le réalisateur installé à Berlin continue ses différents projets en tant que metteur en scène d’opéra. Nous avons ainsi pu découvrir son Parsifal transposé dans une prison donné la saison dernière à l’Opéra de Vienne. Il proposera le mois prochain une nouvelle lecture du Freischütz de Weber à l’Opéra d’Amsterdam. Et plus près de nous, c’est à Avignon que nous pourrons retrouver cet été le metteur en scène en ouverture du festival pour son adaptation du Moine Noir d’après Tchekhov.
Autant de projets qui ont un sens éminemment politique pour Kirill Serebrennikov : "Malgré la guerre en Ukraine, il faut que la culture continue d’exister. C’est ça qui va nous aider à surmonter ce conflit".