

Fraichement nommé à la direction du Théâtre du Châtelet, Olivier Py est à l'affiche d'une autre maison parisienne, le Théâtre des Champs-Elysées, où il met en scène "Le Rossignol" de Stravinsky et "Les Mamelles de Tirésias" de Poulenc, deux opéras du 20e siècle qu'il a réunis dans un diptyque.
- Olivier Py Metteur en scène, Directeur du Théâtre du Châtelet
Et de trois ! Après Dialogues des Carmélites il y a dix ans, après La Voix humaine il y a deux ans, Olivier Py referme la trilogie lyrique de Francis Poulenc, et met en scène à partir de ce vendredi 10 mars Les Mamelles de Tirésias, un opéra-bouffe délirant, surréaliste, subversif mais aussi follement visionnaire, couplé en première partie avec une pièce lyrique beaucoup plus sombre, Le Rossignol de Stravinsky. A l'affiche de cette nouvelle production, un casting cinq étoiles - à commencer par les chanteurs, Sabine Devieilhe, Cyrille Dubois, Jean-Sébastien Bou, Laurent Naouri ou encore Lucile Richardot... Le chef François-Xavier Roth dirige son ensemble Les Siècles ainsi que le talentueux chœur Aedes, pour cinq représentations au Théâtre des Champs-Elysées à voir jusqu'au 19 mars.
Le metteur en scène, qui dirigeait jusqu'à l'été dernier le Festival d'Avignon et qui vient de prendre les rênes du Théâtre du Châtelet, nous parle de son admiration pour Francis Poulenc, un compositeur parfois mal considéré selon lui et qu'il s'est donné pour tâche de réhabiliter : "Dans ma génération, on le considérait comme vieilli, poussiéreux, réactionnaire - surtout ceux qui ne le connaissaient pas, qui ne l'avaient pas écouté ou qui ne voulaient pas l'écouter. Alors que c'est un immense compositeur ! On n'a pas tellement d'œuvres d'opéra au XXᵉ siècle en France, et il n'y a pas tellement d'œuvres qui arrivent au niveau des Mamelles ou des Dialogues des carmélites. C'est notre patrimoine, il est magnifique."
Des Mamelles prophétiques

Les Mamelles de Tirésias est le premier opéra de Francis Poulenc. Composé pendant la Seconde guerre mondiale et créé en 1947, il tire son livret d'une pièce de théâtre de Guillaume Apollinaire, un "drame surréaliste" écrit par le poète au cours de la guerre précédente. Cette farce raconte les aventures d'un couple bourgeois dont la femme, Thérèse, après avoir proclamé à son mari : "Je suis féministe et je ne connais pas l'autorité de l'homme", prévient ce dernier qu'elle refuse désormais de faire des enfants et se choisit un nom d'homme, Tirésias. Elle oblige le mari à se travestir en femme, et il décide alors de procréer seul, grâce à un procédé qui restera mystérieux. Il donnera ensuite naissance, en une seule journée, à 40049 enfants...
"C'est un coup de génie, c'est prophétique !" s'enthousiasme Olivier Py, qui a trouvé dans cette œuvre des thématiques très actuelles comme le féminisme, la question du genre et de la transidentité, ou encore la procréation assistée. "Apollinaire avait l'espoir d'une société meilleure, qui se débarrasserait de toutes les raideurs bourgeoises. Il faut dire qu'après ces deux guerres, il y a eu à chaque fois quelque chose dans la civilisation qui s'était fissuré, avec toute une jeunesse qui ne pouvait plus faire de l'art sérieux et qui avait envie de jeter un grand éclat de rire méchant à la société qui avait créé ces guerres-là. Il y a aussi quelque chose de très français dans cette manière de faire de la métaphysique avec des bêtises, des jeux de mots, des blagues potaches, des déguisements. Cette façon farcesque de faire apparaître des thématiques beaucoup plus profondes. Mais on voit toujours l'ombre de la mort, la terreur du sexe, le danger politique apparaître dans ce cabaret virevoltant."
C'est bien l'ombre de la mort qui plane dans Le Rossignol, l'œuvre jouée en première partie de ce diptyque mis en scène par Olivier Py. Il s'agit d'un opéra de jeunesse d'Igor Stravinsky, écrit lui aussi pendant la Grande Guerre d'après un conte d'Andersen, et qui met en scène un Empereur de Chine sauvé de la mort in extremis grâce au chant d'un rossignol : "J'ai imaginé une sorte de diptyque classique, Thanatos et Eros, comme si l'un était l'envers de l'autre. Et il y a une sorte de jeu de mise en scène puisqu'on voit la première pièce comme si elle était les coulisses de la seconde."
S'il ne s'interdit pas de réaliser dans les années à venir des mises en scène pour le Théâtre du Châtelet, Olivier Py admet qu'il va devoir ralentir son activité artistique pour se consacrer pleinement à la célèbre institution musicale parisienne dont il a pris les rênes il y a 1 mois. "Je travaille sur la saison 25-26. Ça peut paraître un peu loin, mais c'est comme ça que ça marche dans le monde du théâtre lyrique." Aura-t-il les moyens de ses ambitions ? "Pour l'instant, le Châtelet, a des difficultés financières. Ce n'est pas le seul dans le monde lyrique, mais on a une pente à remonter. Ça se fera lentement, sérieusement, solidement. Et peut être qu'à l'aube de 2025, on retrouvera un petit peu de marge pour faire des productions originales."
"L'opéra est un art fondamentalement populaire"
Nous en parlons régulièrement sur France Musique depuis plusieurs semaines, le monde lyrique traverse actuellement une période très difficile en raison de l'inflation, de la hausse des prix et des coûts de l'énergie, alors qu'on constate parallèlement une baisse générale de subventions de la part des collectivités territoriales. Tandis que plusieurs voix s'élèvent dans le milieu musical pour alerter l'opinion publique sur cette crise - certaines suggèrent parfois de repenser le modèle économique de l'opéra subventionné en France, Olivier Py nous donne son opinion sur la question : "Ça fait des années qu'on se le dit entre nous : on n'arrivera pas à continuer comme ça. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a un coût de plateau exorbitant pour ces œuvres-là : quand on additionne la facture d'un décor, d'un orchestre, d'un chœur, de solistes - rares et évidemment souvent irremplaçables, c'est très lourd. Et cela induit bien sûr un billet de plus en plus cher, et nous prive de notre notre mission de démocratisation culturelle. C'est dommage parce que l'opéra, c'est fondamentalement populaire. Je ne sais pas comment nous allons faire, mais il va falloir effectivement trouver de nouvelles manières de créer de l'art lyrique, peut être de manière plus légère. Des coproductions plus larges et une part de mutualisation dans les maisons d'opéra seront obligatoires. Et peut être qu'au Châtelet on inventera certaines de ces nouvelles manières de faire."
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