Une exposition à voir au Musée de l'Orangerie à Paris jusqu'au 30 janvier 2017.
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L’exposition s’ouvre sur une œuvre emblématique de ces années-là : «American Gothic» de Grant Wood, que vous connaissez peut-être, Clément. On y voit un couple de fermiers de l’Iowa, dont est originaire le peintre. Raides, guindés même, la mine austère, ils posent devant un bâtiment agricole. Elle, l’air revêche, un tablier fleuri sur sa robe noire, semble prête à rejoindre la maison que l’on aperçoit derrière, à gauche ; Lui, sa fourche à la main, est sur le chemin des champs. La sœur de Grant Wood et son dentiste lui auraient servi de modèles…

C’est la première fois que ce tableau traverse l’Atlantique depuis son entrée à l’Art Institute de Chicago en 1930, l’année même de sa création. Un an auparavant, le krach boursier a jeté à la rue des milliers de familles. Le pays est exsangue économiquement et moralement. Grant Wood et ses amis, peintres régionalistes du Midwest, prônent alors le «retour à la terre». Ils idéalisent l’Amérique rurale de la fin du XIXème siècle, quand les petites exploitations familiales prospéraient. Non sans une pointe de moquerie, Grant Wood représente ces fermiers avec un soin minutieux, à la manière des primitifs flamands qu’il avait pu admirer lors d’un voyage en Europe en 1928.
C’est étonnant. Ça a l’air bien différent de la peinture que produisaient à la même époque les avant-gardes européennes…
Oui, les peintres régionalistes cherchent à jeter les bases d’un art purement américain et privilégient une facture réaliste pour toucher le plus grand nombre. Dans ces mêmes années 30, le grand public se passionne pour les sagas historiques comme «Autant en emporte le vent» de Margaret Mitchell. Grant Wood, lui, célèbre le patrimoine de la jeune Nation. Un de ses tableaux s’inspire par exemple d’un épisode légendaire du début de la Guerre d’Indépendance, lorsqu’un patriote nommé Paul Revere a parcouru à cheval l’état de Nouvelle-Angleterre pour prévenir les villages de l’avancée de l’armée britannique. Cette chevauchée nocturne baigne dans une lumière irréelle, digne d’un conte fantastique…
En opposition à ce courant nostalgique, d’autres artistes explorent de nouvelles voies esthétiques, comme l’abstraction ou le surréalisme. Regroupés notamment autour du photographe et marchand d’art Alfred Stieglitz, ils s’attachent à des sujets liés à la vie urbaine et à l’industrialisation. En 1931, Stuart Davis, qui revient à peine de Paris où il a rencontré Fernand Léger, peint de belles compositions modernistes mixant bâtiments et objets de mobilier, à la façon d’un «Picasso-américain» (l’expression est de lui). Charles Demuth, lui, s’inspire du cubisme pour représenter des usines de tabac dont la façade se décompose en aplats de couleurs. Quant à Georgia O’Keeffe, l’épouse de Stieglitz, elle orne de fleurs délicates les crânes de vaches blanchis qui parsèment le désert américain, dans de majestueux portraits mortuaires.
Des portraits qui collent à cette période de troubles…
La Grande Dépression sape en profondeur la foi des Américains dans le progrès. Bien sûr, les tableaux de Charles Sheeler, réalisés sur commande pour Ford ou pour le magazine Fortune, offrent une vision triomphante de l’industrie mais c’est bien le doute, la misère, la solitude ou une sourde angoisse qui dominent dans les toiles de ces années-là, comme chez Edward Hopper dont deux magnifiques tableaux sont présentés.
Le panorama du musée de l’Orangerie est bien documenté et mis en perspective par de nombreux extraits de films. On y mesure à la fois la diversité et la vitalité d’une scène américaine que Roosevelt va soutenir activement en lançant un grand programme de commandes. Le fameux New Deal…