Retour du Japon : l'île Naoshima, sanctuaire de l'art moderne et contemporain

France Musique
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Ce matin, Cécile Jaurès, nous emmene au Japon sur l’île de Naoshima, qu’un collectionneur d’art contemporain a transformé en musée à ciel ouvert.

Vous vous demandez peut-être, Clément, pourquoi je vous parle aujourd’hui d’un îlot de 8 km2 perdu au beau milieu de la mer ? Parce qu’il s’y déploie depuis 25 ans un projet un peu fou, unique, qui pourrait servir de modèle à bien d’autres lieux dans le monde. Naoshima, située à près de 500 km au sud-ouest de Tokyo, était autrefois peuplée de pêcheurs, comme la plupart des milliers d’îles de la mer intérieure de Seto. Dans les années 60, des fonderies et des raffineries sont venues exploiter le cuivre et l’or. Elles ont longtemps fourni du travail à la population locale, tout en polluant l’environnement.

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Avec le déclin industriel, les trois quarts des sites ont fermé et Naoshima s’est vidée peu à peu jusqu’à l’intervention d’une famille de riches collectionneurs d’art : les Fukutake. Le père, Tetsuhiko, fondateur de Benesse Holdings, un géant japonais de l’enseignement à distance, est originaire de la ville côtière d’Okayama, non loin de là. Dans les années 80, il décide de créer à Naoshima, où il passait ses vacances enfant, un centre de loisirs.

C’est lui qui a décidé de créer un musée sur l’île ?

Non, c’est son fils Soichiro qui a repris les rênes de l’entreprise familiale à la fin des années 80. Déterminé à revitaliser l’île par l’art, il a fait appel au grand architecte japonais Tadao Ando, pour construire au fil des ans plusieurs bâtiments d’une sublime austérité, destinés à abriter la fabuleuse collection familiale. Le Benesse House, inauguré dès 1992, est à la fois un hôtel et un musée qui expose un ensemble d’œuvres d’art américain et japonais d’après-guerre : Andy Warhol, David Hockney, Jean-Michel Basquiat, Bruce Nauman…

Certaines œuvres ont été créées in situ, comme le «Full Moon circle», un grand cercle de pierres installé par Richard Long sur une terrasse surplombant la baie. Ou cet étonnant mille-feuille de kimonos, de vaisselle et de bois façonné par Jannis Kounellis entre deux poutrelles métalliques. Si certaines installations ne sont accessibles qu’aux clients de l’hôtel, bien d’autres parsèment les collines. On les découvre au fil des sentiers sinueux ou le long du rivage, comme ces drôles de citrouilles géantes de la Japonaise Yayoi Kusama, devenues l’emblème de l’île.

Certains artistes ont même investi des habitations abandonnées…

Oui, dans le petit port de Honmura, à deux pas d’un musée consacré à l’architecte Tadao Ando, on peut visiter sept maisons métamorphosées par des artistes contemporains dont l’Américain James Turrell, magicien de la lumière. On trouve également trois de ses installations au Chichu Art Museum, un formidable labyrinthe de béton caché dans la végétation. L’une invite à s’immerger dans la couleur bleue, vibrante, l’autre à contempler le ciel et les nuages à travers une percée du bâtiment.

Cette ode à la beauté de la nature n’aurait pas déplu à Monet, dont cinq «Nymphéas» constituent la pièce maitresse du parcours. Ils sont installés dans une salle sans angle, baignée de lumière zénithale, le sol recouvert d’une mosaïque de tessons de marbre blanc. C’est là qu’on mesure l’immense respect des Japonais pour l’art : des hôtesses imposent un silence absolu et on se déchausse avant d’entrer dans la pièce, comme dans les temples !

Les musées et œuvres de Naoshima sont visibles toute l’année et sachez que les îles voisines de Teshima et Inujima abritent elles aussi des installations artistiques, qui valent le détour comme ces touchantes «Archives du cœur», milliers d’enregistrements de battements cardiaques, collectés par Christian Boltanski à travers le monde.