Une exposition à découvrir à partir du 30 novembre 2016 et jusqu'au 24 avril 2017.
Bande annonce de l'exposition.
Cy Twombly est certainement moins connu que Magritte, dont la rétrospective, présentée elle aussi au sixième étage de Beaubourg, bat des records de fréquentation. C’est pourtant un géant de l’art abstrait américain du XXème siècle. Cet homme discret, voire secret, a bâti, en marge des mouvements artistiques de son temps, une œuvre à la fois sensible et puissante. Son travail a été reconnu bien avant sa disparition en 2011, à l’âge de 83 ans, et les musées français l’ont exposé à plusieurs reprises, en 1988 puis en 2004, mais jamais une exposition n’avait aussi bien mis en lumière les métamorphoses successives de son art, sur près de six décennies.
Alors que le Centre Pompidou ne possède que deux toiles de Cy Twombly, l’exposition réunit près de 140 œuvres – tableaux, photographies, sculptures - dont certaines n’avaient jamais été montrées en Europe. La série intitulée «Fifty Days at Iliam» n’était par exemple pas sortie du musée de Philadelphie où elle est entrée en 1989. Ce cycle magistral, daté de la fin des années 70, est inspiré de l’Iliade : il raconte en dix tableaux de grand format la guerre de Troie, le bouillonnement furieux des armées dans la bataille sous l’égide des dieux Arès et Artémis... On pourrait passer des heures à examiner chacune de ces toiles, tenter d’en déchiffrer les inscriptions et les symboles cachés.
Dit comme cela, on pourrait croire qu’il s’agit d’une œuvre hermétique, inaccessible aux néophytes…
Pas du tout. Il est vrai que Twombly puisait souvent son inspiration dans les récits antiques ou dans les mythologies, notamment égyptiennes. C’était un homme extrêmement cultivé et un fin connaisseur de l’histoire de l’art qui a parsemé son œuvre de références à Poussin, Raphaël ou Miró. Mais sa peinture aérienne, onirique n’a pas besoin d’être décryptée pour toucher au cœur. La danse des traits, la poésie de ses mots jetés sur la toile, suffisent à émerveiller.
Le parcours suit un fil chronologique qui permet de distinguer les grandes phases de sa création, depuis ses années de formation jusqu’à sa mort, à Rome, où il vécut pendant près de 50 ans. Cy Twombly est né en Virginie en 1928. C’est au Black Mountain College, carrefour des avant-gardes, qu’il découvre l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock ou Franz Kline. Mais très vite, Cy Twombly emprunte un chemin singulier. En 1952, grâce à une bourse, il effectue avec son ami Robert Rauschenberg un grand voyage en Europe et en Afrique du Nord. Il s’intéresse alors autant aux grands musées qu’aux ruines romaines ou à l’art rupestre. Au retour, il réalise ses premiers grands formats : des aplats de peinture blanche où il grave au crayon des tourbillons, des signes, des mots illisibles, à demi-effacés, comme les traces d’une civilisation disparue.
N’y a-t-il pas de couleurs chez Cy Twombly ?
Elle fait son apparition dès la fin des années 50, dans la série de toiles sensuelles, aux matières soyeuses, qu’il réalise après son mariage avec une aristocrate italienne et la naissance de son fils. En 1963, après l’assassinat de Kennedy, le rouge sang éclabousse et dégouline des toiles consacrées à l’empereur romain Commode, tyran cruel qui finit étranglé dans son bain par un de ses esclaves.
La couleur va progressivement gagner toute la surface de la toile comme dans ces sublimes tableaux vert céladon où flottent des fleurs blanches, évanescentes comme des Nymphéas de Monet. Et jamais elle ne fut plus éclatante qu’un mois avant la mort de l’artiste : des boucles rouges et jaunes d’or sur fond vert fluo, comme les derniers feux d’un artiste qui n’aura cessé de nous surprendre.