Le Leelo est une tradition musicale de la communauté des Setos, population coincée entre l'Estonie et la Russie. Ces chants à plusieurs voix, majoritairement interprétés par des femmes, ont été classés patrimoine immatériel de l'Unesco en 2009.
Le 24 février, l’Estonie célèbre sa fête nationale, l’occasion de se plonger dans la tradition musicale de la communauté des Setos. Cette communauté se situe à cheval entre l’Estonie et la Russie. Historiquement, le territoire seto s’étend juste du côté estonien. Mais en 1944, Moscou redessine ses frontières avec sa voisine, la République socialiste soviétique d’Estonie, et les Setos se retrouvent coincés entre deux pays, ce qui ne favorise pas la sauvegarde de leurs traditions.
Les chants Leelo : tradition millénaire
Parmi toutes leurs traditions, une est particulièrement marquante : la musique, notamment le chant que l'on appelle joliment Leelo. Un répertoire qui date d’environ un millénaire.
La culture seto, très ancienne, a longtemps été préservée car ignorée. L’Estonie méprisait les Setos qui étaient perçus comme une communauté plutôt rustre et ignare. A la fin du XIXe siècle des recherches montrent que seulement 7,6% des Setos savent lire et écrire. Dont 2% de femmes, ce qui ne les empêche pas pour autant de chanter.
Ces femmes chantent dans leur langue, le seto, langage qui se rapproche beaucoup plus de l’estonien que du russe. Mais ce qui est assez fascinant, c’est que la langue se rapproche de l’Estonie, mais les pratiques religieuses setos sont davantage tournées vers l’Eglise orthodoxe, religion propre à la Russie. Donc quand les Setos se disent “à la frontière des deux mondes” on comprend mieux pourquoi.
Une religion mêlant rites païens et orthodoxie
L’orthodoxie n’était cependant pas leur seule croyance. Les Setos honorent un Dieu de la fertilité et de la moisson nommé Peko. Mais la plupart de leurs rituels et traditions sont païens. D’ailleurs les chants représentent bien l’univers culturel de la communauté séto, ils païens, festifs, parlent du quotidien, des mariages, de la famille ou du travail.
Toute occasion était bonne pour chanter, ce qui est souvent le cas dans la culture paysanne mais c’est très présent chez les Setos cette idée de chanter à la place de parler. Dans le livret du disque Estonie : chants seto, édité par le label Ocora, une chanteuse seto, Laine Lovi, témoigne et dit : “On ne dit rien autrement. Que l’on veuille raconter quelque chose, faire l’éloge de quelqu’un ou au contraire le blâmer, tout se fait en chantant”.
Une tradition musicale féminine
Les femmes occupent une place à part dans la tradition du chant seto. Elles portent ce répertoire en majorité, même si les hommes peuvent aussi chanter. Les chœurs mixtes sont plus rares, réservés aux fêtes. Le reste du répertoire est réparti entre les hommes et les femmes, seul le texte change, sinon le principe reste le même et c'est ici que l'on retrouve toute la spécificité du chant choral seto : on a cette alternance avec une voix principale qui se distingue, et soit une deuxième voix qui se greffe sur les dernières syllabes, soit plusieurs voix qui répondent à la voix soliste, ce qui permet aussi de faire entendre une partie dans l'aigu appelée killo qui de distingue.
Les plus grandes interprètes de leelo étaient appelées les “mères du chant”. Des voix qui ont continué tout au long du XXe siècle à chanter. Y compris sous l’occupation soviétique même si les paroles étaient un peu modifiées…
C’est à la chute de l’URSS que la culture seto a vécu quelques troubles. En 1991, l’Estonie redevient indépendante et garde toujours une partie seulement dans ses frontières de la communauté seto. Le reste de la population vit en Russie, or les contacts entre les deux territoires deviennent très difficiles. Cette scission va à la fois fragiliser la tradition seto, mais réveiller aussi l’Estonie qui va alors réaliser qu’au sein de son propre pays, la culture la plus ancienne, la plus intacte et la plus riche vient des Setos. Depuis, ces chants ont été classés patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2009.
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