La révolution soudanaise est également une révolution artistique : le street art sert à faire passer des slogans politiques, et aussi à changer la société soudanaise plus en profondeur. L’art contribue d’une certaine façon à faire naitre la démocratie...
Antoine Pecqueur s'est rendu jeudi dernier à une manifestation au cœur de Khartoum. Et tout au long du cortège, la musique est en effet très présente. On entend des tambours et des cymbales rythmer la marche. Des femmes se rassemblent aussi pour chanter. Cette musique se mêle aux bruits des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes. Si l’art est autant présent, c’est déjà pour apporter de la motivation, de la vigueur aux manifestants, d’autant que le contexte sécuritaire est de plus en plus inquiétant. Depuis le coup d’état d’octobre, une soixantaine de soudanais sont morts dans les manifestations. Jeudi dernier, la marche s’est terminée à Khartoum sur un sombre bilan : un mort côté policier et un mort côté manifestant. Enfin, l’art est aussi présent dans la rue pour toucher les populations les plus défavorisées, notamment les enfants des rues qui ne savent pas lire mais qui peuvent être interpellés par un dessin ou une chanson.
Pourquoi assiste-ton à un tel réveil artistique dans ce pays ?
Il faut rappeler que les artistes ont été opprimés pendant les 30 ans du régime militaro-islamiste d’Omar el-Bechir. Il y avait une véritable censure, seuls certains musiciens proches du pouvoir étaient autorisés à se produire. Pendant cette époque, des artistes se sont retrouvés en prison, d’autres ont du s’exiler. Lorsque les premières manifestations ont débuté fin 2018, il y a eu très vite un engagement fort de ce monde culturel. Et la destitution d’Omar el-Béchir en avril 2019 s’est donc traduit par une explosion artistique. Mais pour autant, la révolution n’est pas terminée, loin de là. Car même si Omar el-Béchir n’est plus aux commandes, les militaires ont à nouveau le pouvoir depuis le coup d’état d’octobre dernier. L’initiative des Nations Unis lancée ce mois-ci et qui vise à entamer des pourparlers entre l’armée et les partis politiques n’est pas bien accueillie ici par la société civile, qui se sent exclue de ce processus. Or c’est elle qui est en première ligne du mouvement. Les artistes entendent donc bien continuer la résistance, dans les chansons, les poèmes ou sur les murs de la ville.
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