Bolloré : un danger pour la culture ?

Vincent Bolloré a annoncé son départ en retraite lors de la fête d'anniversaire des 200 ans du groupe.
Vincent Bolloré a annoncé son départ en retraite lors de la fête d'anniversaire des 200 ans du groupe. ©Maxppp - Lionel Le Saux
Vincent Bolloré a annoncé son départ en retraite lors de la fête d'anniversaire des 200 ans du groupe. ©Maxppp - Lionel Le Saux
Vincent Bolloré a annoncé son départ en retraite lors de la fête d'anniversaire des 200 ans du groupe. ©Maxppp - Lionel Le Saux
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À l'occasion des 200 ans du groupe, Antoine Pecqueur revient sur l'impact de la "stratégie Bolloré" sur l'ensemble du monde de la culture.

Un anniversaire en musique : le jeudi 17 février, Vincent Bolloré organisait en terres bretonnes - près de Quimper - une cérémonie très traditionnelle, avec cornemuse et bombarde. Mais une autre musique s’est aussi faite entendre, celle de manifestants scandant : « Stop Bolloré : Haine médiatisée ». Le groupe est en effet plus que jamais pointé du doigt ; quelques jours auparavant, Vincent Bolloré était auditionné au Sénat par la commission d’enquête sur la concentration des médias. Le magnat de la presse possède entre autres CNews et Europe 1, dont les lignes éditoriales font désormais la part belle à l’extrême droite. Devant les sénateurs, Vincent Bolloré a dénié tout engagement idéologique dans sa stratégie, affirmant très sérieusement que la seule chose qui le motivait était l’intérêt économique.

Un pied dans les médias, l'autre dans l'édition 

La concentration est là aussi vertigineuse :  via Vivendi,  Bolloré possède déjà Editis, qui regroupe notamment Le Robert, La Découverte et Bordas. Mais le groupe ne s’arrête pas là : il met désormais la main sur Lagardère, et donc sur Hachette Livre, le leader français du secteur qui comprend Grasset, Fayard et Larousse. La Commission européenne va probablement freiner une telle concentration dans le secteur ; mais jusqu’à quel niveau ? Le risque est en tout cas d’assister à une perte de la diversité du paysage éditorial. Un collectif « Stop Bolloré » vient ainsi de se créer, réunissant des associations, des écrivains ou encore des chercheurs.

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Quid de la musique ? 

Le nom de Bolloré a longtemps été associé à Universal, le numéro 1 mondial de la musique. Mais en septembre dernier, l’homme d’affaire a introduit Universal en Bourse, distribuant de facto 60% du capital. Les sociétés familiales de Vincent Bolloré en conservent tout de même 18%, bien conscientes du potentiel économique qu’offre cette introduction en bourse. Car le hasard n'existe pas chez Bolloré, et cette manœuvre est intervenue à un moment clef, celui de l'essor fulgurant du streaming : Les revenus d’Universal Music ont augmenté de 24,7% au cours du premier semestre 2021.

Un triptyque : médias, musique... Afrique. 

C’est un revirement spectaculaire : Bolloré est en train de vendre une grande partie de ses activités africaines, les ports, les concessions ferroviaires, à son concurrent MSC. Pourquoi une telle décision, alors que l’Afrique était une manne pour Bolloré ? Probablement la somme de diverses causes : ses affaires judiciaires, des changements de gouvernements dans plusieurs pays du continent, un sentiment grandissant anti-français...  Problématiques qui pourraient par ailleurs gagner le domaine de la culture, car Bolloré avait lancé un réseau de salles de spectacle et de cinéma à travers toute l’Afrique. Ces bâtiments portent le nom de Canal Olympia, du nom de deux de ses marques fétiches : Canal + et la salle parisienne de l’Olympia, racheté par Vivendi. Bolloré voulait en construire une centaine sur le continent. Dix-huit sont aujourd’hui en activité. Mais encore une fois, jusque quand ? Beaucoup de questions subsistent. Et même si Vincent Bolloré a officiellement annoncé son départ en retraite à l’occasion des 200 ans du groupe, personne ne croit ni à la retraite de l'homme, ni à la fin de l'empire. 

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