Valery Gergiev, proche de Vladimir Poutine, au pied du mur

Valery Gergiev lors du festival de Radio France et Montpellier en juillet 2016
Valery Gergiev lors du festival de Radio France et Montpellier en juillet 2016 ©Radio France - Guillaume Decalf
Valery Gergiev lors du festival de Radio France et Montpellier en juillet 2016 ©Radio France - Guillaume Decalf
Valery Gergiev lors du festival de Radio France et Montpellier en juillet 2016 ©Radio France - Guillaume Decalf
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Le chef d'orchestre Valery Gergiev, artiste le mieux payé de Russie, est une figure majeure de la diplomatie d’influence de Vladimir Poutine. Mais aujourd’hu, le maestro se trouve au pied du mur...

Lorsque jeudi dernier l’armée russe envahit l’Ukraine, Valery Gergiev est à Milan. Il a dirigé la veille à la Scala la première de la nouvelle production de La Dame de Pique de Tchaïkovski. Immédiatement, le maire de Milan, Giuseppe Sala, qui est aussi le président du conseil d’administration de la Scala, s’entretient avec le directeur du Théâtre, le français Dominique Meyer ; ils se mettent d’accord pour demander à Valery Gergiev de prendre position contre la guerre.
Dominique Meyer, avec qui Antoine Pecqueur a pu s'entretenir, a dit avoir été confronté à un choix cornélien, ce sont ses mots : "Valery Gergiev est un chef de grand talent, mais il est aussi directement lié au pouvoir russe, il occupe les fonctions de directeur musical du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg et est l’artiste le mieux payé par l’état russe. Il ne s’agit pas juste d’une question d’opinion politique".
Pour Dominique Meyer, avec la figure de Valery Gergiev, l’art et la politique sont totalement imbriqués. Après la Scala de Milan, Valery Gergiev devait se rendre au Carnegie Hall de New York pour une tournée avec le Philharmonique de Vienne. La salle de concert américaine, en concertation avec l’Orchestre, a préféré le remplacer par Yannick Nézet-Seguin. Et enfin, dernière annonce : l’Orchestre philharmonique de Munich, dont Valery Gergiev est le directeur musical, lui a donné jusqu’à aujourd’hui pour dénoncer l’invasion de l’Ukraine, sinon son contrat s’arrêtera immédiatement.

Comment analyser ces sanctions à son égard ?

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« Elles arrivent bien tardivement », selon une musicienne ukrainienne, avec qui Antoine Pecqueur a pu échanger alors qu’elle tentait ce week-end de fuir Kiev. Il faut en effet s’interroger sur le soutien dont a disposé Valery Gergiev pendant de très nombreuses années alors même que son engagement au côté de Vladimir Poutine a toujours été absolument clair.
Rappelons trois dates : en 2008, alors que la Russie mène l’offensive sur l’Ossétie et l’Abkhazie, Gergiev, qui est lui-même d’origine ossète, donne un concert à Tshinvali, ville d’Ossétie qui fut le casus belli de la guerre : dans un discours, il qualifie l’attitude de la Georgie d’ « acte d’agression », reprenant les mots du Kremlin, et joue une symphonie de Tchaïkovski, pour encore mieux accentuer le sentiment nationaliste russe. En 2014, le même Valery Gergiev signe avec d’autres artistes russes une lettre ouverte pour soutenir la politique russe dans l’annexion de la Crimée. Et en 2016, il dirige ses musiciens de l’Orchestre du Mariinsky à Palmyre, en Syrie, pour commémorer la libération de la ville qui s’est faite avec l’appui des forces russes. Vladimir Poutine décrit alors ce concert comme une « action humanitaire ».
Valery Gergiev est une figure majeure de la diplomatie d’influence russe, jusque dans les salles de concert occidentales. En septembre dernier, il dirigeait un concert à la Fondation LVMH, dans le cadre de l’exposition Morozov, et début avril il doit se rendre pour plusieurs concerts à la Philharmonie de Paris.
Vous l’aurez compris : les institutions culturelles ont préféré longtemps fermer les yeux sur l’engagement politique de Valery Gergiev. Aussi par intérêt économique : le chef a noué des liens avec les plus grandes entreprises mondiales, parmi ses mécènes on compte notamment Total ou BP.

Quelle attitude peut-il aujourd’hui adopter ?

Une information peut en cela nous éclairer : l’annonce ce dimanche de l’agent de Valery Gergiev, Marcus Felsner, qui informe que le chef d’orchestre n’est désormais plus son client. Il semble donc peu probable que Gergiev abandonne Vladimir Poutine, qui lui a permis de créer tout son empire musical en Russie : le Mariinsky étant un complexe immense de trois salles. Sans compter qu’une autre partie du monde ne condamne pas la Russie, notamment la Chine, qui est aussi un immense marché pour la musique classique. L’autre option pour Gergiev, celle de désavouer le Kremlin et de s’offrir une image de héros aux yeux du monde occidental, semble peu réaliste.

trois salles. Sans compter qu’une autre partie du monde ne condamne pas la Russie, je pense notamment à la Chine, qui est aussi un immense marché pour la musique classique. L’autre option pour Gergiev, celle de désavouer le Kremlin et de s’offrir une image de héros aux yeux du monde occidental, me semble peu réaliste.

Programmation musicale

  • 07h45
    Farewell O world - adaptation pour baryton et orchestre de chambre
    Farewell O world - adaptation pour baryton et orchestre de chambre
    Valentin Silvestrov (Compositeur)
    Farewell O world - adaptation pour baryton et orchestre de chambre

    Igor Blazhkov (Chef d'orchestre), Yuri Olijnik (Baryton (voix)), Non Identifié, Orchestre De Chambre De Kiev

    Album Valentin Silvestrov : Spectrums et autres oeuvres (2014)
    Label WERGO (WER67312)

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