Les défis économiques de l'Opéra de Paris

Le Palais Garnier
Le Palais Garnier ©Getty - fotoVoyager
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Quels défis économiques aura à relever Alexander Neef, qui prendra la succession de Stéphane Lissner à la tête de l'Opéra de Paris ?

Molière n’avait pas tort en affirmant que « de tous les bruits connus de l’homme, l’opéra est le plus cher ». Son modèle économique est confronté à la fatalité des coûts croissants, ce qui a été théorisé par l’économiste William Baumol : plus on donne de représentations, plus ça coûte cher, puisque les artistes ne fabriquent pas un produit, mais sont eux-mêmes le produit. L’Opéra de Paris, c’est aujourd’hui un budget de 225 millions d’euros. Bien sûr, l’institution n’est pas à but lucratif, mais arriver à l’équilibre des comptes est déjà une gageure.

Mais d’où provient son financement ?

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Il y a tout d’abord la subvention de l’Etat. Elle est de 97 millions d’euros, en dix ans elle a diminué d’à peu près 10%. Pour l’Etat, en période de crise sociale, économique, il n’est vraiment pas facile de justifier une telle dépense, d’autant qu’il y a une inégalité profonde entre les opéras sur le territoire. Les quinze opéras de région reçoivent en tout 28,5 millions, moins d’un tiers de ce qui va à l’Opéra de Paris ! 

Quant aux ressources propres, l’autofinancement atteint aujourd’hui 55%. Grâce au mécénat, d'abord : Stéphane Lissner a réussi à faire grimper les soutiens des mécènes à 18 millions d’euros, grâce à l’Arop, cercle des amis de l’Opéra. On reste cela dit encore loin des 45 millions de mécénat de la Scala ou des modèles privés anglo-saxons. La vente des billets représente aussi une ressource incontournable ; le montant des prix de billet a d’ailleurs nettement augmenté ces dernières années. Une place en première catégorie tourne autour de 200 euros ! 

L'équation économique est donc fort complexe : d’un côté, on demande à l’Opéra d’être plus démocratique, et de l’autre l’institution doit s’autofinancer de plus en plus. Conséquence : la faible part consacrée à la création contemporaine, car elle risque d’attirer moins de public, mais qui est pourtant dans le cahier des charges. Et on peut s’interroger sur certains partenariats. Par exemple ce projet de coopération de l’Opéra de Paris avec l’Arabie Saoudite, en pleine guerre avec le Yemen et après l’assassinat du journaliste Jamal Khasoghi. Qu’en pensera le nouveau directeur Alexander Neef ? 

Justement, dans ce contexte économique, que peut faire Alexander Neef ? 

Ce n’est pas un hasard si Emmanuel Macron a choisi le directeur de l’opéra de Toronto et de Santa Fe, deux maisons d’Amérique du Nord, qui fonctionnent uniquement avec de l’argent privé. Mais il ne s’agit pas de dupliquer un modèle nord-américain en France. L’allemand Alexander Neef va vite le comprendre quand il va devoir se lancer dans la renégociation de la convention collective. Aujourd’hui, il y a des régimes spécifiques très favorables aux employés. La particularité est aussi que l’Opéra fait travailler à la fois des permanents et des intermittents. La masse salariale représente 70% des dépenses de l’Opéra ; comment, alors, réussir à rééquilibrer avec l’artistique sans créer de crise sociale ? A cela s’ajoute le projet de nouvelle salle modulable : des travaux de 40 millions d’euros pour créer la troisième salle de l’opéra, dont le modèle de fonctionnement reste encore à définir. Une salle pour l’Académie, comme l’envisageait Stéphane Lissner ; un lieu aussi de privatisation, pour faire entrer du cash ? 

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