Musiciens russes, la redistribution des cartes

Christian Merlin
Christian Merlin ©Radio France - Christophe Abramowitz
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Les Forces musicales, syndicat professionnel des orchestres et des opéras de France, ont publié une prise de position commune : pas de déprogrammation de la musique russe, qui fait partie du patrimoine de l’humanité, mais le boycott des institutions d’Etat et des artistes liés au régime actuel

Côté individualités, certains cas sont plus ambigus que d’autres. Se faisant photographier à Dubaï, Anna Netrebko condamne à nouveau la guerre sans condamner le régime, clamant qu’elle ne fait pas de politique : position intenable quand on s’est fait photographier avec un drapeau de la république séparatiste du Donbass, qu’on s’est félicité de l’annexion de la Crimée, qu’on a signé le soutien à la réelection de Vladimir Poutine et que son mari, le ténor Yusif Eyvazov, originaire d’Azerbaïdjan, a refusé de chanter avec une soprano arménienne et s’est félicité de la victoire des Azéris sur les Arméniens. Le fait qu’elle soit aujourd’hui sur liste noire à la fois en Occident et en Russie prouve qu’il est impossible de se dire apolitique quand on est musicien. Il faut assumer.

Valery Gergiev, lui, assume. Désormais limogé à Munich, Verbier et Rotterdam où il occupait des fonctions, mis au ban de New York à Milan en passant par Paris, Salzbourg et Baden-Baden, iil est récompensé de sa loyauté par Vladimir Poutine qui lui a demandé de réfléchir à une direction commune du Mariinsky de Saint-Pétersbourg et du Bolchoï de Moscou, reconstituant la direction des théâtres impériaux qui avait existé sous le tsar Alexandre Ier, bien dans la logique de son retour fantasmé à l’Empire. Cela permettrait de neutraliser Vladimir Urin, directeur général du Bolchoï qui avait pris courageusement position contre la guerre, et de remplacer au poste de directeur musical Tugan Sokhiev.

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Le cas de ce dernier est sans doute le plus douloureux et emblématique de la confusion de la situation. Encore directeur musical de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse auquel il a donné un éclat et un rayonnement internationaux uniques, il a été sommé par le maire de Toulouse de prendre position. Demande qui l’a mis dans une position si intenable que, après une phase de réflexion, Sokhiev a démissionné de ses deux postes : Toulouse et le Bolchoï. Obliger quelqu’un à prendre position ne revient-il pas à utiliser les méthodes de l’adversaire totalitaire que l’on combat ?