Les jeunes chanteurs de l'Académie de l'Opéra de Paris ont donné deux derniers concerts avant que les rideaux ne se baissent pour au minimum un mois, l'occasion pour eux de démontrer leur exemplaire capacité vocale, tous portés par un esprit de troupe salutaire.
Guillaume Tion était à Evian avec l'Opéra de Paris le 24 et 25 octobre dernier. Aujourd'hui, comme vous le savez, les voix et les corps sont confinés et nous ne sommes pas près de réécouter des spectacles lyriques. Des spectacles tout court d'ailleurs.
Raison de plus pour évoquer avant la fermeture de rideau, le retour du streaming et des pastilles zoom d'orchestres nous jouant le Boléro de Ravel, un petit phénomène qui peut avoir son importance dans le futur – car il y en aura un : l'émergence de l'Académie de l'Opéra de Paris.
Depuis quasiment un an, l'Opéra de Paris ne propose plus de lyrique. La grève, le premier confinement, puis les travaux dans les deux salles, ont asséché les productions.
Toutefois, l'Académie beuglait encore le week-end dernier. C'est à Evian qu'il fallait se rendre pour les écouter, dans le cadre du festival Voix d'automne.
La structure pédagogique de l'Académie
Chaque année, l'Académie recrute douze chanteurs, dix musiciens, quatre chefs de chant, treize artistes d'art et un metteur en scène. Durant un cursus de deux ans, ils sont formés et intégrés aux productions de la maison.
Les habitués de l'Opéra de Paris se souviennent tous de la soprano Adriana Gonzalez, qui a ensuite remporté le prix Opéralia en 2019, ou du baryton basse Mikhail Timochenko, un des héros du film l'Opéra, tous deux anciens pensionnaires de l'Académie, qui ont par la suite brillé dans les salles du monde entier.
A Evian, où ils ont donné un Didon et Enée en version de concert et un récital Beethoven, nous avons pu entendre les Gonzalez et Timochenko de demain.
Nous avons été séduit par certaines individualités, comme la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, qui campait une Didon très sûre de sa vocalité, par la soprano Kseniia Proshina ou le contreténor Fernando Escalona, qui n'ont pas hésité à transformer leur voix pour chanter un spectaculaire duo de sorcières, ou encore par la basse Aaron Pendleton, qui le lendemain interprétait des lieders de Beethoven en oscillant entre les profondeurs des cavernes où l'oxygène de la libération à la limite du registre baryton. Mais aussi par leur cohésion, car durant ces deux concerts, les académiciens ont montré qu'on pouvait compter sur eux, ce qui tombe bien car l'Opéra de Paris n'avait personne d'autre à proposer.
La crise financière de l'institution lyrique
L'Opéra de Paris qui, rappelons-le, se trouve aussi en grande difficulté financière, avec des pertes annuelles atteignant 50 millions d'euros.
Dans un contexte où une commission mise en place par le ministère est chargée de réfléchir à des nouveaux modèles économiques, l’Académie a une carte à jouer.
Car l'idée d'une troupe, d'un groupe de chanteurs en résidence agrégeant interprètes novices et talents confirmés qui incarneraient l'Opéra de Paris, fait son chemin. Le petit poucet pourrait peut-être sauver l’ogre en détresse.
Personnellement on attend que ça, une institution remise sur pied. Et puisque tout s'arrête et qu’à la fête succède le silence des scènes vides, écoutons la puissance des applaudissements après un spectacle comme celui que ces jeunes ont proposé pour se remettre du baume au coeur.
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