Guillaume Tion nous fait part de ses impressions autour de la nouvelle production de La Traviata de Verdi donnée au Palais Garnier dans une mise en scène de Simon Stone.
A l’opéra, la Traviata, c’est le cœur du réacteur !
Vous pouvez la faire chanter par une pelle une journée d’orage, elle remplira toujours. Chaque bonne maison doit en avoir une, comme les cartes de visite ou les robes de soirée, c’est une question d’image de marque. A l'Opéra de Paris, la production de Benoît Jacquot, avec un blackface qui posait problème, a été donnée durant cinq des six dernières saisons. Elle est à peine morte que surgit déjà cette nouvelle Traviata mise en scène par Simon Stone.
Cette production très contemporaine, séduisante, transpose Violetta Valery, courtisane demi-monde dans le Paris du XIXe, en une "fashionista" youtubeuse qui passe sa vie derrière son téléphone et se raconte toute la journée sur les réseaux sociaux. Simon Stone joue la carte de la vidéo. Deux écrans gigantesques, à angle droit et qui tournent sur eux-mêmes, nous baladent de WhatsApp à Twitter, où par exemple nous apprenons sa maladie. Une première partie très enlevée et qui résonne avec les habitudes des spectateurs lesquels, une fois les lumières de l’entracte rallumées, consultent leur mails et sms. C’est vraiment une mise en scène du moment, très fraîche !
Néanmoins, le metteur en scène ne parvient pas à rebondir dans sa seconde partie, plus molle, beaucoup moins incisive dans ses clins d’oeil aux populations néorurales que Violetta traverse. En réalité, dès qu’il y a moins de théâtre, moins de seconds rôles, moins de décors à faire vivre, la mise en scène de Stone s’assèche.
Comment était Pretty Yende ?
Tout simplement formidable ! Un timbre d’une magnifique clarté, une technique irréprochable, avec en plus une facilité d’incarnation qui pousse la salle à éprouver immédiatement de l’empathie pour elle. Elle vocalise, nous frémissons. Elle sourit, nous rions. Elle meurt, nous pleurons.
La Sud-Africaine s’impose, selon Guillaime Tion, comme la plus forte révélation du “trio Lissner”, qui est aussi composé de la mezzo Anita Rashvelishvili et de la soprano Nadine Sierra. Le plateau vocal était d’une grande qualité, avec Benjamin Bernheim et Ludovic Tézier. La fosse s'est aussi montrée élégante, donnant le ton dès le premier accent du prélude, respecté mais légèrement outré, dans une volonté d’embellir Verdi sans vouloir bouleverser. L’ultime fermata était prodigieux grâce au chef Michele Mariotti.
En revanche, Guillaume Tion ne pourra pas vous raconter la fin ! Le jour où il y est allé, un problème de machinerie a obligé les chanteurs à improviser scéniquement durant le dernier quart d’heure... Les chanteurs s’en sont sortis avec un triomphe, preuve finalement qu'un simple lit suffit à la Traviata.
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