Domitille Bès est actuellement doctorante à Sorbonne-Université (1ère année), ses recherches concernent la pratique féminine du piano dans la première moitié du XIXe, la réception de Beethoven en France, et plus particulièrement la figure de Thérèse Wartel, première exégète féminine de Beethoven.
Alors peut-être les noms de Wilhlemvon Lenz, Anton Schindler, Karl Czerny, Adolf Marx, vous disent quelque chose ?
Ces hommes ont en commun d’avoir écrit, dans les décennies qui ont juste suivi la mort de Beethoven, des ouvrages sur son œuvre, que ce soit sur le plan de l’analyse, de l‘interprétation ou les 2. Il y a un ouvrage de cette période, dans la même veine, qui n’a encore fait l’objet d’aucune étude approfondie, c’est celui qu’a publié en 1865 Thérèse Wartel, ses Leçons écrites sur les sonates pour piano seul de Beethoven : un peu plus de 200 pages, qui rassemble des leçons d’interprétation sur ce répertoire.
Qui est cette femme, comment en est-elle venue à écrire cet ouvrage, qui fait d’elle la première exégète féminine du compositeur allemand ? Pour comprendre son parcours : cette pianiste est née en 1814, (elle a 13 ans à la mort du compositeur) au tout début de la Restauration, décédée en 1865 à l’âge de 51 ans. Elle fait partie de cette génération de pianistes féminines qui a émergé pendant la première moitié du XIXe s, dans une période on le sait, pourtant particulièrement répressive envers les femmes, mais où le piano a connu une explosion absolument fantastique, y compris chez les femmes bien sûr, puisqu’elles n’avaient de toute façon pas beaucoup d’autre choix pour une pratique instrumentale qu’entre le chant ou le piano.
Thérèse Wartel va explorer toutes les facettes possibles de la pratique musicale professionnelle : c’est une brillante pianiste très renommée , devenues spécialiste du répertoire dit «classique», suite à ses voyages et longs séjours en Allemagne et en Autriche, dont elle ramènera d’ailleurs les lieder de Schubert avec son mari François Wartel, chanteur, mais bon, ça c’est dans la première partie de sa vie. Surtout elle participe, après la Révolution de 1848 à cet engouement d’un public délite pour la musique de chambre dite «sérieuse», savante, pour résumer, en deux mots la sonate germanique, courant qui vient en réaction contre la tentation de la «virtuoserie», d’un pianisme vulgaire et ostentatoire.
Elle a été professeur, surtout en cours privés où elle transmettra spécifiquement ce répertoire, compositrice également, des pièces de genre, que je redécouvre au fur et à mesure, et que je joue, des pièces plutôt virtuoses ou didactiques, comme ses 6 études de salon op 10, ou son andante op 11, en 1851, qu’elle dédie à Louise Farrenc, autre grande défenseuse du répertoire sérieux.
Et enfin, critique musicale, puisqu’elle a laissé de nombreux articles, d’autant plus nombreux que j’ai découvert qu’elle avait également écrit sous un pseudonyme masculin. Au 1er degré cet ouvrage éclaire le domaine de l’histoire de l’interprétation, mais c’est aussi le témoignage unique d’une femme, une française, sur ce répertoire, bien avant que Romain Rolland au début du XXe s juge utile de nous informer je cite qu’il «n’aime point entendre Beethoven interprété par des femmes».
Existe-t-il un regard spécifiquement féminin sur Beethoven? Quel-est-il? Et comment cet ouvrage s’inscrit-il dans la construction du culte de Beethoven, qui reste l’incarnation d’une conception masculine du génie?
Programmation musicale
- 12h51
Suite n°1 en Sol Maj op 72 : Fuga Benjamin Britten (Compositeur)Suite n°1 en Sol Maj op 72 : FugaGuillaume Martigne (Violoncelle)
Album Benjamin Britten : Oeuvres pour violoncelle (2016)Label Klarthe (KLA007)
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