Jedediah Sklower a soutenu sa thèse intitulé Le gouvernement des sens. Jeunesse communiste, médias et musiques populaires en France (1955-1981) à la Sorbonne-Nouvelle en 2020. Ses recherches portent principalement sur les industries culturelles, et les politiques de gauche en France.
Jedediah Sklower a soutenu une thèse dirigée par Éric Maigret et intitulée Le gouvernement des sens. Jeunesse communiste, médias et musiques populaires en France (1955-1981), à la Sorbonne-Nouvelle. Il a publié et dirigé plusieurs ouvrages (sur le free jazz, les contre-cultures, l’écoute musicale, la politisation des musiques populaires), est actuellement en post-doctorat à l’université Sorbonne Paris Nord et chargé de cours. Il est membre de Volume ! la revue des musiques populaires et également traducteur - il a notamment traduit Musiquer. Le sens de l’expérience musicale de Christopher Small (Philharmonie de Paris, 2019).
"Dans les années 1950, la grande figure du compagnon de route rouge qui fait carrière au music-hall, à la radio et au cinéma, c’est Yves Montand : il a des origines populaires, il chante le petit peuple de Paris, et soutient de nombreuses causes communistes
Seulement, en 1956-57, Montand va prendre ses distances vis-à-vis du PCF, qui va se retrouver en quelque sorte orphelin d’une vedette musicale aussi populaire. En même temps, on voit apparaître de nouveaux genres pas du tout en phase avec les normes esthétiques, culturelles, morales du parti et de la JC : chanson « à accent » (Dalida), rock’n’roll et, plus tard, les yéyés.
Dans un contexte de crise politique du parti (rapport Khrouchtchev, crise hongroise de 1956, guerre d’Algérie, avènement de la 5e République) et des vocations militantes au sein de la Jeunesse communiste, celle-ci va mettre en œuvre une nouvelle forme de propagande culturelle qui va puiser dans cette nouvelle culture jeune. Cette nouvelle stratégie va infuser l’ensemble du dispositif musical et culture rouge : dans les années 1960, la programmation des nombreuses fêtes s’ouvre aux yéyés. Les discours changent : on crée le magazine Nous les garçons et les filles, inspiré d’une chanson de Françoise Hardy, qui imite les recettes de Salut les copains. On lance un crochet musical – les Relais de la chanson française –, là aussi imité des stratégies des radios et des compagnies de disques, pour soutenir l’essor d’une chanson française non corrompue par le commerce…
Surtout, cette nouvelle ligne politique doit infuser les pratiques militantes à la base de la Jeunesse communiste : il faut aller trouver les jeunes dans les collèges et les lycées, les rejoindre dans leurs clubs plutôt que dans les usines, s’adresser à leurs goûts – bref accueillir ces nouveaux loisirs et non pas les coucher sur le lit de Procuste d’une culture populaire « authentique » et passéiste. Seulement, cette nouvelle ligne hybride ne satisfait pas du tout des jeunes militants beaucoup plus politisés dans les années 1960, rêvant de combats révolutionnaires, influencés par ce qui s’est passé en Indochine, à Cuba… Ils veulent un engagement pur, fait de luttes sociales, et non cette forme abâtardie, médiocre, sous influence capitaliste et américaine.
Tout cela engendre une crise de la « gouvernementalité militante », et montre qu’il faut mieux prendre en compte la culture de masse pour comprendre l’évolution du militantisme au XXe s. On est passé d’une situation où le PCF pouvait proposer une contre-culture rouge, relativement autonome, reposant sur ses propres ressources, à une situation où, à partir des années 1950-60, il doit dialoguer avec ces nouvelles aspirations culturelles, identitaires qui s’incarnent dans la passion pour ces musiques."
Programmation musicale
- 12h57
Nuits de Moscou TRADIT RUSSIE (Compositeur)Nuits de Moscou, I SALONISTI
Album I Salonisti : Trans-Siberian express (1990)Label DECCA
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